Politiques et géopolitiques de la traduction, circulation multilingue des savoirs et histoires transnationales de la géographie: perspectives françaises | Terra Brasilis | 2021

1 Le dossier que nous présentons aujourd’hui, « Politiques et géopolitiques de la traduction. Circulation multilingue des savoirs et histoires transnationales de la géographie », possède une histoire qui s’inscrit elle-même dans un contexte de circulation de la géographie dans un monde globalisé. Ou plutôt de la circulation de géographes. En effet, ce numéro spécial est d’abord l’histoire de rencontres. J’ai fait la connaissance Guilherme Ribeiro en 2014, à l’occasion d’un congrès de la Commission Histoire de la géographie de l’UGI (Union Géographique International) qui avait lieu à Rio de Janeiro. Nous y avons échangé sur nos travaux respectifs, et j’ai été d’emblée frappée par sa maîtrise impeccable de l’histoire de la géographie française contemporaine, mais aussi de l’anglais, du français qu’il parle en plus du portugais, sa langue maternelle. Nous nous sommes ensuite revus plusieurs fois en France (Paris), mais aussi au Canada (Québec en 2018). Quant à Archie Davies, j’ai eu le plaisir de faire sa connaissance grâce à Guilherme, qui au début de l’année 2020 nous a tous les deux sollicités pour co-éditer ce dossier. Nos profils présentent de fortes similarités. Nous sommes tous les trois intéressés par l’histoire de la géographie et nous questionnons sur les modalités de production des savoirs géographiques (voir par exemple : Davies, 2019 ; Péaud, 2016 ; Ribeiro, 2014). Chacun d’entre nous navigue, ou a navigué, entre plusieurs sphères linguistiques, à la fois pour communiquer des résultats scientifiques mais aussi et surtout pour explorer des pans de l’histoire de la discipline. Anglais, français, portugais pour Archie et Guilherme ; français, anglais et allemand pour moi. Nous faisons régulièrement l’expérience du bonheur de circuler ainsi entre plusieurs langues, plusieurs traditions nationales et systèmes de pensées, de même que nous ressentons parfois l’inconfort de nous situer dans des entre-deux, de passer de l’un à l’autre. C’est donc bien, du moins en partie, de nos travaux et vécus personnels que naissent les questionnements qui traversent ce dossier. Au-delà de la résonance qu’ils entraînent dans nos esprits et dans nos corps (la pratique d’une langue autre procurant autant de sensations d’inconfort que de plaisir), ces enjeux de circulations entre, au-delà et à travers des sphères linguistiques plurielles font écho à des préoccupations montantes dans le champ de la géographie. Je me placerai ici du côté de la sphère française et francophone de la géographie, et des sciences humaines et sociales plus largement, quand Archie et Guilherme dressent de leur côté un bilan du côté des sphères anglophones et lusophones, offrant ainsi une entrée en matière à trois voix plutôt qu’à une seule. Leia Mais