Insegnare storia. Riflessioni a margine di un’esperienza di formazione – BALDOCCHI et al (CC)

BALDOCCHI, Umberto; BUCCIARELLI, Stefano; SODI, Stefano (a cura di). Insegnare storia. Riflessioni a margine di un’esperienza di formazione. Pise: Edizioni ETS, 2002. 278p. Resenha de: HEIMBERG, Charles. Le cartable de Clio – Revue romande et tessinoise sur les didactiques de l’histoire, Lausanne, n.2, p.288-290, 2002.

Enseigner l’histoire, tel est le thème de cet ouvrage collectif qui émane des activités de formation des maîtres des Ecoles de spécialisation de l’enseignement secondaire (les SSIS, selon les initiales de leur dénomination italienne) de la région toscane (soit les antennes de Florence, de Sienne et de Pise). A travers de courtes mais riches contributions – beaucoup ont été rédigées par les trois coordinateurs du livre, mais leurs réflexions sont encore prolongées par de nombreuses interventions ponctuelles de chercheurs universitaires ou de spécialistes de questions particulières – c’est un véritable tour de la question, une évocation systématique, mais synthétique, des problèmes posés par la formation didactique en histoire qui est proposé aux lecteurs.

Ce regard italien sur la formation professionnelle des maîtres d’histoire de l’enseignement secondaire est évidemment inscrit dans un contexte particulier qui exerce largement son influence sur la problématique qui est décrite. Mais cela donne d’autant plus de sens, au-delà des différences culturelles, et malgré un cadre institutionnel fort différent, à toute une série de points communs, de difficultés partagées ou d’interrogations de nature analogue qui peuventêtre identifiées au fil de ces pages. Notamment au fait que, dans l’enseignement secondaire, ceux qui enseignent l’histoire enseignent aussi d’autres disciplines qui prennent souvent plus de place dans les esprits, ce qui ne les pousse pas spontanément à affronter la complexité réelle de l’enseignement de cette discipline.

Les grands chapitres proposés évoquent tour à tour les dimensions spatiales de l’histoire enseignée, sa programmation annuelle, les problèmes posés par les manuels scolaires, l’usage didactique des sources, celui des instruments électroniques de communication et les dimensions culturelles de l’histoire enseignée. Des questions aussi fondamentales que l’utilisation des sources orales, les réflexions sur l’historiographie et son histoire, ou l’éducation à la citoyenneté, font par ailleurs l’objet de développements particuliers.

Quelques options fortes de ce recueil d’articles méritent d’être soulignées en tant que telles, mais aussi parce qu’elles font largement écho à nos réflexions suisses-romandes ou francophones. Ainsi Mauro Ronzani insiste-t-il avec raison sur l’intérêt d’un usage didactique direct de sources historiques. Et Gaetano Greco sur l’intérêt d’une prise en considération de l’histoire de l’histoire, tout comme de celle de l’enseignement de l’histoire, pour la formation initiale des maîtres. Les pages sur la dimension spatiale de l’histoire enseignée plaident pour une pluralité de ces échelles en montrant surtout la nécessité d’éviter des trous noirs (l’absence de toute dimension régionale, celle de toute perspective extra-européenne, etc.). Et si Umberto Baldocchi insiste sur la nécessité de développer une véritable histoire européenne, ou même pan-européenne, les auteurs insistent tous sur la nécessité de concevoir une histoire globale qui sache concilier le particulier et le général en faisant interagir les différentes échelles considérées.

L’enseignant d’histoire est de plus en plus confronté à la nécessité de programmer son enseignement en fonction d’un certain nombre de critères, finalités et consignes. La recherche italienne en matière de didactique de l’histoire a développé la perspective de programmation modulaire de l’histoire enseignée. Ainsi un module, unité d’enseignement-apprentissage qui traite d’une manière globale un thème d’histoire dans un contexte donné, peut-il comprendre plusieurs unités didactiques et durer jusqu’à deux ou trois mois. S’il s’agit bien par-là de rompre avec une histoire narrative, linéaire et encyclopédique, ce n’est pas pour autant un renversement de l’histoire enseignée ne privilégiant que l’entrée thématique et conceptuelle. De fait, notamment parce que la dimension diachronique et temporelle ne doit pas être évacuée, beaucoup d’enseignants pratiquent déjà sans le revendiquer, ni parfois le savoir, un enseignement-apprentissage de l’histoire qui va dans le sens de cette vision modulaire.

La question des manuels scolaires est évidemment significative. Du point de vue historique, il est fait mention d’une enquête d’Antonio Brusa montrant qu’au cours des années soixante, les manuels italiens étaient passés d’une fonction strictement narrative, l’enseignant devant raconter l’histoire avec le manuel, à une fonction documentaire, les élèves devant lire eux-mêmes le manuel et apprendre à utiliser un appareil éditorial (titres et sous-titres, glossaires, renvois de pages, etc.) toujours plus complexe. Et Umberto Baldocchi note en particulier que le paradigme romantico-national sur lequel ces manuels étaient basés induisit également, et pendant longtemps, une toute-puissance de la causalité qui empêchait de donner à voir dans l’histoire l’existence d’acteurs tentant librement d’agir sur le cours des événements ; et une conception très simplifiée de cette causalité (d’où le piège de la cause unique, notamment en l’absence de toute vision complexe et systémique des relations internationales dans l’exemple de la Grande Guerre). Cependant, le contenu de ces manuels ne dit pas tout, loin s’en faut, des pratiques réelles en classe. Aussi Stefano Sodi, à partir d’une analyse typologique et critique des manuels disponibles, évoque-t-il de son côté quelques manières dont ils pourraient être utilisés à bon escient.

L’ouvrage comprend des exemples de modules d’enseignement-apprentissage, ainsi que des propositions de sources pouvant faire l’objet d’unités didactiques. Dans une section consacrée à l’enseignement de l’historiographie, et à propos de l’origine du capitalisme, Alberta Patacchini développe en particulier la manière dont les élèves pourraient être amenés à comparer, en les schématisant, des points de vue différents sur tel ou tel phénomène historique. Enfin, la question des images, qui peuvent être à la fois des documents d’histoire et des supports pour la raconter, est traitée par Luca Baldassira qui insiste à juste titre sur les problèmes nouveaux qu’elles posent à la notion de vérité en histoire.

La dernière section de l’ouvrage regroupe deux thèmes tout à fait essentiels, mais sous l’étrange intitulé commun de dimension culturelle de l’histoire enseignée. Ainsi l’intérêt d’une histoire des genres, et pas seulement d’une histoire des femmes, comme prise en compte des interactions sociales liées aux sexes dans toute société humaine est-il notamment défendu avec pertinence par Simonetta Soldani. Alors que les débats italiens sur l’éducation civique sont également évoqués.

Plusieurs auteurs font allusion à des faits d’actualité qui ont marqué l’histoire scolaire italienne de ces dernières années: la volonté – absolument indéfendable dans une démocratie digne de ce nom – de certaines instances politiques de pratiquer une censure sur les manuels d’histoire pour décider elles-mêmes de leur contenu, surtout en matière d’histoire contemporaine ; le décret ministériel qui renforça il y a quelques années l’enseignement de l’histoire du XXe siècle en prévoyant de lui consacrer la dernière année de chaque cycle de formation ; le projet de nouveau curriculum de l’histoire enseignée, rejeté en fin de compte par le nouveau gouvernement, qui prévoyait de ne plus répéter à plusieurs reprises un enseignement chronologique de l’histoire et fit l’objet de réactions très contrastées parmi les historiens (voir les deux pétitions publiées dans le n° 1 du cartable de Clio, ainsi que l’article de Luigi Cajani et le projet de curriculum italien dans le présent volume).

Cette vision d’ensemble de l’histoire enseignée et des problèmes qu’elle pose dans une perspective de formation des maîtres, qui est bien sûr trop succinctement présentée ici, est donc des plus intéressante. Peut-être la définition même de l’histoire, c’est-à-dire l’explicitation de son apport spécifique au regard critique sur le monde qui devrait se construire au cours du cursus scolaire aurait-elle pu être développée avec plus de précision. Mais cette question de la nature de la pensée historique en matière d’enseignement-apprentissage devrait sans doute faire l’objet d’un vaste débat international, dans une perspective comparative. Ce à quoi cette très intéressante publication toscane ne pourra que contribuer utilement.

Charles Heimberg – Institut de formation des maîtres (IFMES), Genève.

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