Logistics of the First Crusade. Acquiring Supplies Amid Chaos – BELL (FR)

BELL, Gregory D. Logistics of the First Crusade. Acquiring Supplies Amid Chaos. Lanham, Boulder, New York, London: Lexington Books, 2019. 226p. Resenha de: BALARD, Michel. Francia-Recensio, Paris, v.4, 2020.

La première croisade a fait l’objet d’une pléthore d’études. Était-il indispensable d’en publier une nouvelle? Oui, sans doute, car le thème choisi par l’auteur a trop longtemps été délaissé: comment une troupe disparate de plusieurs dizaines de milliers de combattants et de non-combattants a-t-elle pu s’approvisionner pendant un voyage de plus de 25 mois, à plusieurs milliers de kilomètres de son point de départ, et réussir à s’emparer de Jérusalem, alors que la faim et la soif la tenaillaient pendant de longues semaines et que tout au long de son parcours la maladie, la mort, la désertion amoindrissaient le nombre des croisés en état de combattre? Pour l’auteur, leur succès repose sur une logistique réfléchie et flexible: loin d’être désorganisés, avides et violents, les chefs de la croisade ont su prévoir les modes d’approvisionnement en marche et pendant les sièges de Nicée, d’Antioche et de Jérusalem.

Pour le démontrer, l’auteur organise son propos en dix chapitres qui suivent les principales étapes de la croisade. Il s’appuie sur une large palette de chroniqueurs, sur quelques lettres écrites par les croisés et sur les chartes et cartulaires faisant mémoire des financements obtenus par les participants, avant le départ de l’expédition. Le fait que le pape Urbain II ait promu celle-ci comme un pèlerinage vers Jérusalem aurait été fondamental pour calmer les ardeurs guerrières lors de la traversée des Balkans et même de l’Anatolie. Plutôt que de se livrer au pillage systématique pour trouver des approvisionnements, les chefs de la croisade auraient cherché à acheter leurs subsistances sur les marchés locaux, en ayant pris soin d’en avertir les responsables à l’avance. Pour ce faire, ils auraient emporté d’importantes sommes d’argent et aidé en cours de route les plus pauvres des croisés, dépourvus de moyens.

Cette méthode nécessite d’intenses préparations logistiques, dès que fut connu l’appel du pape à Clermont. Monastères et églises accordent des prêts aux participants ou leur achètent des biens fonciers, les juifs sont victimes d’extorsions d’argent, particulièrement dans les villes rhénanes, les villes portuaires sont invitées à préparer des flottes d’appui à l’expédition. Puis vient le départ, d’abord de la croisade populaire dont la violence et l’anarchie sont dues à l’absence d’un chef prééminent, puis des cinq troupes dirigées par des princes soucieux de négocier des transactions pacifiques et ne recourant au pillage qu’en dernier recours. Leurs relations avec Alexis Ier Comnène auraient mérité une étude plus précise, en ce qui concerne le serment exigé par le basileus ou les dons d’argent et d’aide que celui-ci offrait.

Le volume des approvisionnements nécessaires dépend bien sûr du nombre de croisés. À la suite des historiennes et historiens qui l’ont précédé, l’auteur discute les chiffres cités par les chroniqueurs, en acceptant non sans hésitation que l’armée ait compté près de 100 000 hommes lors du siège de Nicée, un maximum dans l’histoire de la croisade. L’aide byzantine décide alors de la victoire. La traversée de l’Anatolie, en terre ennemie, accroît les problèmes de subsistances: le ravitaillement, le fourrage et l’eau manquent et il faut recourir à des pillages systématiques, qui ne cessent qu’à l’arrivée des croisés dans des régions peuplées majoritairement d’Arméniens. L’armée se divise alors: Baudouin et Tancrède partent à la conquête des villes littorales de Cilicie, puis d’Édesse pour le premier, tandis que l’armée principale gagne difficilement Antioche et qu’une flotte anglaise ou byzantine (?) approche de Port Saint-Syméon, à quelques lieues d’Antioche. L’auteur penche pour une synchronisation entre forces terrestres et navales, sans vraiment le prouver.

La perspective d’un long siège pose à nouveau de redoutables problèmes d’approvisionnement. En comptant 60 000 hommes dans l’armée assiégeante et un bon millier de chevaux, l’auteur estime les besoins journaliers à 110 tonnes de grain pour les hommes, à plus de 10 pour les chevaux. Où les trouver? Les flottes nordiques, byzantines et génoises peuvent se fournir en Chypre et aborder à Port Saint-Syméon, mais le manque de charrettes et les attaques musulmanes empêchent la distribution des provisions. La disette s’installe dès la fin de l’année 1097, et ce n’est qu’après avoir construit au printemps 1098 trois fortifications pour empêcher les sorties des assiégés que les croisés peuvent enfin recourir aux ressources locales. Ils s’emparent d’Antioche au début juin, mais l’arrivée de l’armée de Kerbogha, atabeg de Mossoul, les enferme dans la ville et les condamne pendant 26 jours à une famine intense, jusqu’à ce qu’une sortie heureuse les délivre des assiégeants.

De juillet 1098 à mai 1099, les croisés restent sur place à Antioche, dans l’attente d’une aide navale les aidant à progresser vers le sud. Après quelques mois d’approvisionnements, de nouveau, dès l’hiver, la faim les tenaille. Ils effectuent quelques expéditions: conquêtes d’Albara, d’Arqa et de Ma’arrat-an-Numan où ont lieu des scènes de cannibalisme longuement analysées par Michel Rouche dans un article que l’auteur ignore.

Sous la pression des pauvres, les chefs décident au printemps de marcher rapidement vers Jérusalem, en suivant la route côtière, jalonnée de villes qui leur livrent des subsistances pour éviter d’être pillées. Le 7 juin 1099, l’armée arrive devant Jérusalem et doit agir vite sous une chaleur accablante, par manque d’eau et de provisions. Un premier assaut échoue. Une flottille génoise, arrivée à Jaffa, apporte subsistances et matériel de siège qui permettent la prise de la ville sainte le 15 juillet 1099.

Le récit, on le voit, ne s’écarte guère des nombreuses histoires de la première croisade disponibles à ce jour, sauf pour insister sur les difficultés de ravitaillement de l’armée croisée et sur les méthodes employées pour y faire face. Dire que les chefs auraient eu un plan d’action coordonné entre l’avance des troupes et l’arrivée des flottes de secours n’est guère démontré par les textes, et l’insistance de l’auteur sur la discipline et l’ordre imposés par les chefs pour contrôler la fourniture des approvisionnements me paraît bien optimiste, face à une pénurie empreinte de violences que les chroniqueurs évoquent constamment.

L’ouvrage de Gregory Bell n’est pas exempt de maintes imperfections: »Nance« pour Nantes (p. 9), »Turkic« pour Turkish (p. 84 et 90), »Meragone« pour Maragone (p. 152), »Mans et Puy« pour »Le Mans et Le Puy« (p. 159). Les cartes sont trop petites et peu lisibles, celle d’Antioche est mal orientée et contredit les directions indiquées par le texte (p. 126–128). Surtout la quasi-ignorance de toute bibliographie qui ne soit pas anglo-saxonne frappe le lecteur: six ouvrages en français cités, mais aucune mention des actes des deux colloques de Clermont en 1095, ni du livre de Guy Lobrichon; aucun ouvrage allemand, sauf l’étude de Carl Erdmann qui date de 1935, mais ici dans sa traduction anglaise (1977); de même Cardini et Musarra, spécialistes italiens des croisades, sont totalement ignorés. L’histoire des croisades serait-elle désormais une chasse gardée des Anglo-Saxons?

Michel Balard – Paris.

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The Crime of Nationalism: Britain, Palestine, and Nation-Building on the Fringe of Empire – KELLY (THT)

KELLY, Matthew Kraig. The Crime of Nationalism: Britain, Palestine, and Nation-Building on the Fringe of Empire. Oakland, CA: University of California Press, 2017. 264p. Resenha de: SCHONK JR., Kenneth. The History Teacher, v.52, n.3, p.529-530, may., 2019.

Matthew Kraig Kelly argues that the long-held conception that Palestinian nationalism is equal to criminality was a conscious construct by British and Zionist (“Zionist” is used here to represent Israeli nationalists) agents to marginalize and negate Arab agency in the Middle East. At its core, The Crime of Nationalism is the story of how ideas, opinions, and biases become discourse. Specifically, Kelly reconstructs the evolution of what he calls the construction of a “crimino-national” narrative of the Great Revolt of 1936 and its immediate and long-term aftermath (p. 2). At the onset of this era, Palestinian insurgency was taken by the British at face-value: a burgeoning nationalist movement seeking political agency in the years after Sykes-Picot, when British interests in southwest Asia were increasingly influenced by Zionist leaders. As tensions flared in 1936, the British began to categorize Palestinian action as criminal and terrorist, thereby associating any and all action by the latter as irrationally violent and dissolute. Within a period of just a few years, Arab transgression—whether it was conducted through political negotiation or in public protest—was defined as violence intent on undermining the ascendant Anglo-Zionist social order.

Kelly queries as to who has the right to use force. Through the use of letters, political missives, and newspaper accounts of all sides involved in this conflict, he convincingly argues that the British came to undermine Palestinian efforts to utilize violent—and peaceful—tactics in their nationalist endeavors. Such efforts yielded myriad results for the British. Primarily was that Arab action in Palestine was saddled with a discourse of violence, thereby negating any nationalist outcome.

Relatedly, such a discourse has had the effect of creating a global consensus that Palestinian nationalism was—and is—tantamount to criminal and terrorist activity.

Moreover, this direct involvement by the British in defining Palestinian action helped to justify any violent actions by the British and Zionists as being done in the name of justice and the maintenance of social order. In sum, these actions enabled the British and Zionists to self-justify their own use of force against Palestinians. This narrative transgresses both the historiography and conventional wisdom of the era that, Kelly argues, has been constructed by the British and has been incorrectly reified in scholarly works on the history of Palestine. As such, Kelly serves to correct this historiography, shedding light on how an ahistorical narrative becomes cemented.

This book has many applications for syllabi in myriad undergraduate and graduate courses on the modern Middle East, as well as those on the British Empire.

Adopters should not be dissuaded by the relatively brief time period covered in The Crime of Nationalism, as the implications of the events in question have relevance up through the present day. Less obvious is the teaching applicability in global history courses on nationalism, crime and criminality, and historical theory. Kelly consistently and effectively demonstrates how events in Palestine were influenced by and had connections to historical events and agents abroad. One such example regards the specter of recent events in Ireland, and how this shaped Britain’s response to the Great Revolt of 1936 and the events that followed in its wake. Thus, the book has a transnational aspect that provides a point of entry—and value—for those who may not be experts in the history of the Middle East. Moreover, Kelly’s arguments regarding the discursive construct of criminality will be of great interest and use for courses on the history of law and order. Additionally, the book has applicability in courses on historiography and historical methods. How Kelly corrects the narrative of the Great Revolt demonstrates the value of an applied empiricism that employs a post-modern analysis of the construction of historical discourse. As noted above, Kelly rightfully intends this as a work that corrects a historiography that has long perpetuated mistruths about the events of 1936. In this regard, The Crime of Nationalism teaches to transgress—that is, how to skillfully and tactfully provide voice to the historically marginalized.

Kenneth Schonk Jr. – University of Wisconsin–La Crosse.

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Ocidentalismo: o Ocidente aos olhos dos seus inimigos – BURUMA; MARGALIT (PL)

Nas últimas décadas, as obras que refletiram a herança colonial européia na América, África e Oriente, consolidaram uma área distinta no campo dos estudos culturais que se convencionou chamar estudos pós-coloniais. Essa resenha considera o exemplar Ocidentalismo, livro de Ian Buruma e Avishai Margalit, motivado pelo atentado de 11 de setembro de 2001, quando o Word Trade Center, de Nova York, ruiu com o choque de aviões seqüestrados por terroristas da Al Qaeda, de Osama Bin Laden. Mas é possível relacionar Ocidentalismo à principal obra de Edward Said, Orientalismo, publicado em 1978. Nesta o intelectual palestino desmistifica a construção discursiva e histórica dos ocidentais acerca do que viria a ser o oriente, acenando que a opção a alteridade européia/norte-americana não seria o ocidentalismo, seu oposto. Foi justamente para substantivar o léxico que Buruma e Margalit enriquecem os estudos pós-coloniais com sua obra. Leia Mais