Faire apprendre l’histoire: pratiques et fondements d’une didactique de l’enquête en classe secondaire – JADOULLE (DH)

JADOULLE, Jean-Louis. Faire apprendre l’histoire: pratiques et fondements d’une didactique de l’enquête en classe secondaire. Resenha de: NICOD, Michel. Didactica Historica – Revue Suisse pour l’Enseignement de l’Histoire, Neuchâtel, v.2, p.159-160, 2016.

Comment enseigner l’histoire en 2016, avec quelle méthode ? Quelles démarches ? Et sur quels fon­dements ? Plusieurs chercheurs s’efforcent de répondre à ces questions depuis plus de 25 ans. Un ouvrage remarquable de Jean-Louis Jadoulle met en valeur une synthèse qui couronne ces tra­vaux sur la didactique d’histoire.

Son livre se destine, en premier lieu, aux didac­ticiens et aux enseignants formateurs, puis aux enseignants en histoire, qui profiteront d’une table des matières développée, d’une écriture soignée au service d’une analyse pointue des différents objets sur lesquels repose, depuis 20 ans, la didactique en histoire.

À cette maîtrise fine de la didactique, Jadoulle ajoute son expérience personnelle en Belgique, tant par son enseignement universitaire, l’édi­tion de deux collections de manuels d’histoire que par des enquêtes menées sur les pratiques enseignantes.

Dès lors, l’ambition de son ouvrage est annon­cée dès sa première page ; proposer une « mise au point théorique », brève, puis des « pistes d’action opérationnelles », détaillées, illustrées d’exemples de travaux d’élèves, d’enseignants en formation et de plans d’études. L’auteur y relève la tension existant entre les travaux de recherche et les pro­grammes scolaires. Ces tensions relèvent des ques­tions fondamentales telles que: les attentes sociales face à la matière à enseigner aux élèves ; l’ouver­ture aux autres cultures, la question de l’identité, celle de la transmission du patrimoine aux jeunes générations…

Pour illustrer ses propos, Jadoulle défend et expose la démarche d’enseignement de l’histoire basé sur l’enquête historique à laquelle l’élève est invité à s’exercer. Ainsi, cette pratique permet à l’élève un réel exercice d’acquisition de compétences. Il devient l’acteur de ses apprentissages, alors même que, selon l’auteur, les pratiques de nombreux enseignants persistent selon le modèle transmissif1.

Pratique dont la subsistance peut être complémen­taire au modèle d’une didactique de l’enquête.

Précisons que les attentes de l’auteur envers les enseignants sont élevées:

  • Une connaissance affinée des ressources docu­mentaires pour disposer de textes riches, com­plexes, mais accessibles à la compréhension des élèves.
  • Une planification fine quant à l’élaboration des tâches à demander aux élèves leur per­mettant de développer la compétence visée par l’enseignant.

Pour ce faire, l’auteur structure sa réflexion en trois parties:

  • Dans la première, il définit les objets de l’his­toire enseignée tels que l’identification des acteurs, les causes et les conséquences des faits historiques…
  • Dans la seconde, la plus développée, il détaille les objets et les étapes nécessaires pour l’éla­boration d’une séquence d’histoire. Il insiste sur la mise en place de la phase de démarrage de la séquence, sur la place des concepts, sur la temporalité, sur les compétences, et finale­ment sur l’évaluation. Dès lors, l’évaluation des compétences de l’élève doit être le corol­laire de la démarche d’enquête suivie pendant les cours.

En effet, l’auteur accorde une large place à la notion de compétence – 70 pages sur 400 – dans lesquelles il défend une optique « situationnelle ». Il propose ainsi de concevoir une « famille de situations » aux caractéristiques semblables dans lesquelles la compétence de l’élève peut s’exercer. Le choix de cette « famille de situations » permet aux enseignants des évaluations comparables des compétences des élèves. Or, cette pratique pourrait restreindre, en soi, la liberté des enseignants et susciter leurs réserves.

  • Et finalement, la troisième partie est consa­crée aux finalités, aux fondements épisté­mologiques et éducatifs de l’enseignement de l’histoire où la « didactique de l’enquête » trouve sa justification dans la démarche des historiens. L’auteur s’appuie ici sur les tra­vaux des historiens, notamment P. Veyne, M. Certeau, H.-I. Marrou et A. Prost.

L’ouvrage remarquable de Jadoulle se distingue par sa qualité d’analyse des sujets abordés, n’esquivant aucun des débats et des difficultés soulevés par la tension existante entre les chercheurs, les ensei­gnants et les attentes de la société. Simples d’accès pour le lecteur et structurés dans leur déroulement, les chapitres comportent de nombreux schémas, extraits de plans d’études, et travaux d’élèves ou préparations des leçons par les enseignants. Par ailleurs, de nombreuses synthèses avec présenta­tions des controverses ponctuent les chapitres et éveillent le plaisir du lecteur.

Jadoulle invite son lecteur à partager le fruit de ses réflexions par une pensée aiguisée, colorée de rencontres à l’occasion d’enquêtes menées et d’échanges riches avec les enseignants, en ayant le souci d’outiller les élèves et les enseignants face aux attentes actuelles et futures de notre société.

[NotaS]

1 Modèle « transmissif » signifie que l’élève reçoit passivement le savoir émis par l’enseignant.174 | Didactica Historica 2 / 2016

Jean-Louis Jadoulle – Professeur à l’Université de Liège, est directeur de plusieurs collections de manuels scolaires d’histoire et auteur de nombreux articles en didactique de l’histoire.

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Didattica della storia. Manuale per la formazione degli insegnanti – PANCIERA; ZANNINI (DH)

PANCIERA, Walter; ZANNINI, Andrea. Didattica della storia. Manuale per la formazione degli insegnanti (1). Firenze: Le Monnier Università, 2006/2013, p. I-VIII, 1-232. Resenha de: FRIGERI, Alessandro. Didactica Historica – Revue Suisse pour l’Enseignement de l’Histoire, Neuchâtel, v.2, p.171-172, 2016.

In Italia, tra la fine degli anni Novanta e la fine degli anni Duemila, vennero istituite le SSIS (Scuole di Specializzazione all’Insegnamento Secondario), che per dieci anni risultarono essere il principale canale di formazione e reclutamento degli insegnanti. In alcune università, attorno alle SSIS, si creò un clima favorevole alla sperimenta­zione didattica e, in quel quadro, venne rilanciata la riflessione sulle didattiche disciplinari, che nel Paese vantava una significativa tradizione, perlo­meno nell’ambito dell’insegnamento dell’italiano e delle scienze umane. Di quell’esperienza – chiu­sasi senza che le SSIS siano state sostituite da enti di formazione paragonabili e finita dunque con l’affievolirsi delle iniziative volte a valorizzare il tema della mediazione didattica nell’insegnamento – oggi rimangono, per quanto riguarda la storia, alcune importanti tracce: tra queste, degno di nota è sicuramente il manuale scritto da Walter Panciera e Andrea Zannini, docenti presso le università di Padova e di Udine, giunto ormai alla sua terza edizione1.

Il libro ha riscontrato un interesse tra insegnanti e specialisti difficilmente ascrivibile al solo fatto che attualmente è uno dei pochi strumenti di questo tipo presenti sul mercato italiano (non l’unico, d’altronde). A nostro giudizio, vi sono altre due sue precipue caratteristiche che ne spiegano almeno in parte la buona diffusione.

La prima riguarda il suo esplicito taglio manua­listico, cioè il fatto che dietro all’opera vi è il dichiarato intento di proporre un testo capace di offrire ai lettori un insieme coerente e completo di informazioni considerate imprescindibili nella formazione iniziale dell’insegnante di storia. In meno di 250 pagine vengono affrontate questioni assai diverse tra loro: si richiamano le peculiarità epistemologiche della disciplina, il metodo in uso tra gli storici, le principali tappe della sto­ria della storiografia; si sintetizzano i principali vincoli della normativa italiana; si ricordano infine i cambiamenti vissuti negli ultimi decenni dalle forme e dagli strumenti della didattica della sto­ria, non omettendo di parlare dell’apporto viep­più importante delle nuove tecnologie. Si tratta di un’impostazione che ha costretto gli autori a uno sforzo di sintesi notevole, che in alcuni pas­saggi può non soddisfare pienamente colui che cerca l’approfondimento di questioni qui solo accennate, ma che non può non dirsi riuscito. L’insegnante di storia – che in Italia sovente ha alle spalle una formazione filosofica o letteraria, cioè non specificatamente storica – troverà infatti in questo libro riferimenti a tutto ciò che dovrebbe comporre il suo bagaglio di conoscenze didatti­che fondamentali. Egli potrà successivamente, orientato dalle ricche e curate note bibliografiche inserite alla fine di ogni capitolo, intraprendere quei percorsi di sviluppo professionale che, per loro stessa natura, non possono certo basarsi sulla sola lettura di testi manualistici.

Per quanto concerne l’altro ipotizzabile motivo del relativo successo del libro, va a nostro avviso segnalato il fatto che esso fa il punto del dibattito italiano sulla didattica della storia e sulle relative pratiche d’aula con un equilibrio non scontato. In Italia, come altrove, è presente da tempo tra gli “addetti ai lavori” un confronto, fatto di consensi ma anche di divergenze, attorno a modi e finalità dell’insegnamento della storia. Numerosi sono gli argomenti su cui si è sviluppata tale controversia: sull’utilità dei manuali scolastici, sull’apporto che la world history potrebbe dare alla ridefinizione dei contenuti dell’insegnamento, sulla cosiddetta didattica modulare (approccio che propone di non basare più la programmazione didattica sul solo principio cronologico-sequenziale) o sul nodo dell’insegnamento per competenze, solo per fare qualche esempio. Troppo spesso tali diatribe sono state sbrigativamente presentate come uno scontro tra innovatori e fautori della tradizione: Panciera e Zannini non lo fanno. Certo, non si esimono dal toccare molti di questi temi delicati, ma pro­blematizzando le questioni, presentando le diverse posizioni in campo, evitando di aderire acritica­mente alle mode passeggere: un approccio che, tra gli insegnanti, è facilmente apprezzato.

[Notas]

(1) Delle numerose pubblicazioni che rendono conto di quella stagione dal punto di vista della didattica della storia vanno citate almeno anche: Greco Gaetano e Mirizio Achille, Una palestra per Clio. Insegnare ad insegnare la storia nella scuola secondaria, Torino: UTET, 2008, che – al pari del libro qui recensito – ambisce a presentarsi come un vero e proprio manuale di didattica della storia, e Bernardi Paolo (a cura di), Insegnare storia. Guida alla didattica del laboratorio, Torino: UTET, 2006, 20122, che sembra essere stato apprezzato a sua volta dal corpo insegnanti. Non si possono inoltre mancare di ricordare i pochi ma pregevoli numeri della rivista Mundus (2008-2010), diretta da Antonio Brusa, e l’instancabile attività dell’associazione Clio ‘92, presieduta da Ivo Mattozzi.172 | Didactica Historica 2 / 2016

Alessandro Frigeri – Scuola universitaria professionale della Svizzera italiana.

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Ce que peut l’histoire. Leçon inaugurale au Collège de France – 17 décembre 2015 | Patrick Boucheron

Patrick Boucheron, spécialiste du Moyen Âge et de la Renaissance, plus particulièrement en Italie, a été nommé à la chaire d’Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, xiiie-xvie siècle, comme pro­fesseur titulaire au Collège de France depuis la rentrée 2015, avec une leçon inaugurale intitu­lée « Ce que peut l’histoire ». Pour les enseignants d’histoire et leurs élèves, c’est l’exemple d’un historien savant qui met à leur disposition une Histoire-Monde bousculant les périodisations et les approches entendues, pour une meilleure intel­ligibilité du présent par le recours aux ressources du passé.

Dans les années 1330, la Commune de Sienne est mise en péril par la « seigneurie », ce pouvoir personnel qui subvertit les principes républi­cains de la cité. Comment contrarier la tyrannie, asphyxier le foyer de la guerre et réapprendre l’art de vivre ensemble ? La commune politique doit convaincre: le meilleur gouvernement n’est pas la sagesse des préceptes qui l’inspirent, mais ses fruits concrets, tangibles pour chacun. Ces aspects étu­diés dans un ouvrage paru en 2013 emblématisent la position de l’intellectuel1.

Une leçon inaugurale est un exercice convenu, avec ses passages obligés. Mais cela ne suffit pas au chercheur, à l’expression bien choisie. Il conver­tit le moment en credo: l’Histoire ne doit pas se contenter de relater la manière dont les pouvoirs se sont ancrés (les rois, la formation des États), mais aussi – et surtout – évoquer les tentatives expérimentales d’une autre organisation de la cité, même si elles ont échoué. Ces « expérimen­tations politiques », fourmillantes dans l’Italie des Trecento et Quattrocento, l’historien s’y montre attentif. Elles lui disent d’autres mondes possibles: « Ce que peut l’histoire, c’est aussi de faire droit aux futurs non advenus, à ses potentialités inabouties. »

Après les attentats qui ont choqué la France, Patrick Boucheron s’exprime en citoyen. Dans un engagement renouvelé, il convie à la vigilance contre de funestes usages civiques, transformés en artillerie politique inhumaine ou en appareil de répression. Il reprend une pensée centrale dans consacré à Sienne: « Avoir peur, c’est se pré­parer à obéir. »

Que peut l’histoire pour aujourd’hui ? L’interrogation l’habite. Le professeur cite Michel Foucault, avivant sa « mise en alerte toujours brûlante qui per­met de se prémunir contre la violence du dire, de ne pas se laisser griser par sa puissance injuste », mais aussi Victor Hugo et sa foi dans la chose publique: « Tenter, braver, persister, persévérer, être fidèle à soi-même, prendre corps-à-corps le destin, étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait, tan­tôt affronter la puissance injuste, tantôt insulter la victoire ivre, tenir bon, tenir tête, voilà l’exemple dont les peuples ont besoin et la lumière qui les électrise. » Rien n’est plus mortifère que de réduire l’Histoire à une machine à confectionner des démonstrations de désespoir. « Comment se résoudre à un devenir sans surprise, à une histoire où plus rien ne peut survenir à l’horizon, sinon la menace d’une conti­nuation ? Ce qui surviendra, nul ne le sait. »

Son ambition ? Rendre le passé habitable, repla­cer l’histoire dans le débat intellectuel, la rendre tonique, réconcilier érudition et imagination, opposer une histoire sans fin aux chroniqueurs de la fin de l’Histoire, bousculer les divisions tempo­relles (« Une période est un temps que l’on se donne »), réorienter les sciences sociales, et surtout rafraîchir les problématiques du passé en les mettant en réso­nance avec celles du présent.

Pour Boucheron, la Renaissance n’est qu’un épi­sode dans une séquence plus ample: il observe les continuités entre les xiiie et xvie siècles. Adoptant le point de vue de l’histoire globale, il avait repéré dans le xve siècle une invention du monde2. De Tamerlan à Magellan, des steppes de l’Asie jusqu’à la saisie de l’Amérique en 1492, s’est accomplie une première mondialisation. Mais la geste de Christophe Colomb est tout sauf une aventure fortuite: elle est précédée, rendue probable et pensable, par une dynamique globale et séculaire d’interconnexion des espaces, des temps et des savoirs. Elle ne se laisse en rien délimiter par ce que l’on baptisera l’occidentalisation du monde: les commerçants de l’océan Indien, les marins de l’amiral Zheng He partis du fleuve Bleu, mais aussi les envahisseurs turcs, ont un plein rôle dans cette geste des devenirs possibles du monde, où rien n’est encore inscrit.

Militant, il convie à revisiter ses certitudes, son confort intellectuel, prétendant rechercher les moyens de « réconcilier en un nouveau réa­lisme méthodologique l’érudition et l’imagination. L’érudition car elle représente cette forme de préve­nance dans le savoir qui permet de faire front à l’en­treprise pernicieuse de tout pouvoir injuste consistant à liquider le réel au nom des réalités. L’imagination, car elle est une forme de l’hospitalité et nous permet d’ac­cueillir ce qui dans le sentiment du présent aiguise un appétit d’altérité ». En cette période où le dialogue interculturel est en terrain défavorable, le propos doit être souligné. Et l’historien, revendiquant son statut de pédagogue, d’affirmer qu’il « faut se donner la peine d’enseigner […] pour convaincre les jeunes qu’ils n’arrivent jamais trop tard. Ainsi, travaillera-t-on à demeurer redevable à la jeunesse ».

[Notas]

1 Boucheron Patrick, Conjurer la peur. Sienne, 1338: essai sur la force politique des images, Paris: Seuil, 2013, 285 p.176 | Didactica Historica 2 / 2016 le livre

2 Boucheron Patrick (dir.), Histoire du monde au xve siècle, Paris: Fayard, 2009, 892 p.

(*) Voir: Truong Nicolas, « Ce que peut l’histoire », extraits de la Leçon inaugurale de Patrick Boucheron au Collège de France, in Le Monde, 02-04.01.2016.

Postface des extraits du Monde: prononcée le 17 décembre 2015, la Leçon inaugurale de Patrick Boucheron est téléchargeable en format audio et vidéo sur le site du Collège de France (http:// college-de-france.fr). Elle sera publiée sous forme numérique sur OpenEdition Books (http://books. openedition.org/cdf/156) et sous forme imprimée (coédition Collège de France/Fayard) au prin­temps 2016.

Pierre Jaquet – Gymnase de Nyon.

BOUCHERON, Patrick. Ce que peut l’histoire. Leçon inaugurale au Collège de France – 17 décembre 2015.* Resenha de: JAQUET, Pierre. Didactica Historica – Revue Suisse pour l’Enseignement de l’Histoire, Neuchâtel, v.2, p.175-176, 2016. Acessar publicação original

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La carte perdue de John Selden: sur la route des épices en mer de Chine – BROOK (DH)

BROOK, Timothy. La carte perdue de John Selden: sur la route des épices en mer de Chine (1). Paris: Payot & Rivages, 2015, 295p. Resenha de: NICOD, Michel. Didactica Historica – Revue Suisse pour l’Enseignement de l’Histoire, Neuchâtel, v.2, p.177-178, 2016.

Comment rédiger un ouvrage d’histoire à partir d’une carte du Sud-Est asiatique et de la Chine ? Pour l’enseignant qui le lirait, comment, se basant sur cet ouvrage, élaborer une séquence pour ses élèves ; à savoir faire étudier le trafic commercial au xviie siècle dans la région du monde qui connaît l’essor le plus florissant du commerce maritime.

Timothy Brook est sinologue. Plusieurs de ses travaux ont été consacrés à la Chine des Ming au xviie siècle, et à ses relations avec l’Europe. Son ouvrage précédent, Le Chapeau de Vermeer2, se place dans le courant de l’histoire connectée.

Dès lors, dans La Carte perdue de John Selden, nous nous intéressons aux tentatives des Européens, et ici des Anglais, de nouer des relations commer­ciales avec la Chine au xviie siècle. Quelles sont les difficultés rencontrées par les Européens dans cette entreprise ?

Le dernier ouvrage de Timothy Brook répond à ces questions. Il se place parmi de nombreuses publi­cations d’historiens qui, depuis 20 ans, étudient les relations entre l’Europe, l’Asie et la Chine. Alors que bien des études mettent en relief l’isolement de la Chine, Brook nuance cette vision. Ainsi, du xve au xviiie siècle, la Chine est considérée comme l’un des pays les plus avancés du monde. Son artisanat, son administration, son imprimerie, son économie font d’elle l’un des pays les plus riches. Ses exportations, même faibles, participent au commerce international et satisfont les consom­mateurs européens3.

Or, le gouvernement impérial n’encourage pas le commerce maritime, car il s’estime menacé et concentre ses forces pour garder sa frontière nord. Par ailleurs, le gouvernement de l’empereur ne porte pas d’intérêt à l’ouverture de la Chine vers le monde extérieur. Mais les aléas climatiques et les menaces sur la Grande muraille fragilisent4 le pouvoir impérial qui, finalement, cède place à une nouvelle dynastie.

Ainsi, le pays ne se maintient pas constamment dans cet isolement immuable que nous lui prêtons. Dès lors, des commerçants chinois se mettent à voyager et s’établissent en Asie du Sud-Est, notam­ment à Java. Ils vendent et achètent des articles en porcelaine et des épices.

Dans cette région, à Bantam, vers 1608, une carte a sans doute été fabriquée, puis acquise par un capi­taine anglais faisant du commerce avec le Japon. Brook nous précise qu’il s’agit d’une carte, unique, remarquablement précise sur laquelle sont tracées les principales voies de navigation empruntées par les marchands chinois. Les inscriptions de la carte, en chinois, désignent les villes et pays avec lesquels les Chinois commerçaient. Il est dit que ces inscriptions sont la transcription phonétique des mots d’origine espagnole, japonaise et chinoise d’où la maîtrise nécessaire pour accéder à leur compréhension.

En 2008, cette carte a été découverte dans la bibliothèque Bodléienne en Angleterre où John Selden, juriste et humaniste, l’avait déposée en 1654. Les historiens spécialistes de cette époque ont organisé un colloque, suivi par la publication d’un article de Robert Batchelor5, puis de l’ouvrage de Timothy Brook.

Dans son ouvrage, Timothy Brook étudie cette carte et le monde dans lequel elle a été produite. L’ouvrage contient trois parties:

Une présentation de l’Angleterre des derniers rois Stuarts où les premiers érudits tentent d’apprendre le chinois et certains annotent la carte. Les débats des humanistes au sujet du droit d’accès à la navi­gation figurent dans cette partie.

Les premiers efforts infructueux de l’EIC (Compagnie anglaise des Indes orientales) pour nouer des contacts commerciaux avec la Chine depuis le comptoir qu’elle avait établi au Japon. La concur­rence hollandaise, les difficultés de la navigation, la malchance la poussent à renoncer à ses efforts après 10 ans.

Une étude minutieuse de la carte permet de com­prendre la vision géographique du monde de son auteur: à savoir, la description de l’Asie du Sud-Est en sus de celle de la Chine. En effet, contrairement aux cartes chinoises de cette époque, cette carte se distingue par le fait que la Chine n’y occupe pas une place centrale.

Pour rédiger ce livre, sa maîtrise hors pair du chinois permet à Timothy Brook d’employer deux ouvrages chinois de la même époque pour déchiffrer les inscriptions de la carte. Les moyens techniques dont disposaient les navigateurs chinois et européens, les représentations que Chinois et Européens se faisaient du territoire chinois sont parmi les points mis en valeur dans ce livre.

Brook nous rappelle qu’au xviie siècle, l’écono­mie chinoise est la plus importante du monde. Ses navires sont aussi performants que les navires européens, et elle occupe une place centrale dans le monde marchand. Rappelons que les routes maritimes en Asie suivies par les commerçants européens ont été ouvertes par les Asiatiques.

Ainsi, l’ouvrage de Timothy Brook est une prouesse d’érudition, où le lecteur se perdra par­fois dans la très riche onomastique. Cet ouvrage précieux et riche pour le public déjà initié à ce domaine reste une découverte pour le lecteur peu familiarisé avec cette période: à mi-chemin entre les grandes découvertes et la colonisation euro­péenne du xixe siècle.

[Notas]

1 Brook Timothy. La carte perdue de John Selden: sur la route des épices en mer de Chine. Paris: Payot & Rivages, 2015, 295p.

2 Brook Timothy, Le Chapeau de Vermeer, le xviie siècle à l’aube de la mondialisation, Paris: Payot, 2010.

3 Voir Trentmann Frank, How We Became a World of Consumers, from the Fifteenth Century to the Twenty-First, Allen Lane Hb, 2016.

4 Voir Brook Timothy, Sous l’oeil des dragons, Paris: Payot, 2012, p. 73-74.

5 Batchelord Robert (2013): « The Selden Map Rediscovered: A Chinese Map of East Asian Shipping Routes, c.1619 », in Imago Mundi: The International Journal for the History of Cartography, 65 (2013);1, p. 37-63.

Michel Nicod – EPS Roche-Combe Nyon.

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« Irgendwie ist doch da mal jemand geköpft worden ». Didaktische Rekonstruktion der Französischen Revolution und der historischen Kategorie Wandel – MATHIS (DH)

MATHIS, Christian. « Irgendwie ist doch da mal jemand geköpft worden ». Didaktische Rekonstruktion der Französischen Revolution und der historischen Kategorie Wandel. Baltmannsweiler: [S.n], 2015. Resenha de: ZIMMERMANN, Nora. Didactica Historica – Revue Suisse pour l’Enseignement de l’Histoire, Neuchâtel, v.2, p.179-180, 2016.

Vorbei ist die Zeit, in der Historikerinnen und Historiker ob der Darstellung von Umwälzun­gen und Umstürzen in Streit gerieten: « Die Rede von der Revolution ist beliebig geworden, niemand träumt mehr von ihr, niemand aber auch fürchtet sie noch. »1 Gerade deshalb ist – wie Autor Christian Mathis richtig feststellt – die Auseinandersetzung mit der Französischen Revolution ein schwieriges Unterfangen geworden (S. 44).

Bemerkenswert ist die eingangs gemachte Feststellung, dass Schülerinnen und Schüler, obwohl die Französische Revolution fast überall auf der Welt in der Schule vermittelt wird, jeweils Unter­schiedliches lernen. Mathis begründet dies vor allem mit der « Bedeutung der Französischen Revo­lution für ihre nationalen Biographien »2.

Ein besseres Verständnis von Schülervorwissen fördert gleichsam das (historische) Lernen und ermöglicht eine adäquate Lehrplan- und Curriculums-Gestaltung. Ausgehend von dieser Annahme gilt Mathis’ Forschungsinteresse den Vorstellungen, die Schülerinnen und Schülern von der Französischen Revolution haben. Hierzu befragte er Schülerinnen und Schüler der neun­ten Klasse einer Schweizer Mittelschule. Mittels Triangulation von Leitfadeninterview, Erzählung und Gruppenverfahren sollte aufgezeigt werden, über welche Konzepte, Schemata und mentale Modelle Jugendliche im Hinblick auf die Fran­zösische Revolution verfügen. In einem zweiten Schritt wurden diese Schülervorstellungen zur historischen Kategorie « Wandel » in Beziehung gesetzt und nach deren Rolle beim historischen Denken über die Französische Revolution gefragt.

Nach der Einleitung und der theoretischen Rah­mung der Studie folgen in Kapitel 3 erste lern­psychologische Ausführungen zur Theorie des « conceptual change », die auf Piaget basieren. Im Zentrum des darauffolgenden Kapitels stehen dann die Schülervorstellungen aus kognitions- und lernpsychologischer Sicht. Ausgehend von diesem Theoriemodell schlägt Mathis für seine Studie ein viergliedriges Modell vor: Schülervorstellungen sind demnach erstens « mentale Konstrukte, die beim Denken und Sprechen über Geschichte und Vergangenheit konstruiert, abgerufen und evoziert werden », zweitens « jene Wissensbestände (Begriffe, Konzepte und Erklärungsmuster), welche die Schüle­rinnen und Schüler “heranziehen”, wenn sie konkrete historische Sachverhalte, Phänomene oder Gegen­stände erklären und interpretieren », und welche sich – drittens – « im Alltag bewährt haben ». « Diese können » – viertens – « mehr oder weniger wissen­schaftsadäquat sein. » (S. 32).

Das fünfte Kapitel präsentiert einen konzis zusammengefassten Abschnitt über Standpunkte, Denkmodelle und Vorstellungen der historischen Fachwissenschaft zur Französischen Revolution. Ausführlich setzt sich Mathis dabei auch mit der sowohl gleichermassen für die Geschichtsschrei­bung wie auch für die Didaktik massgebenden Kategorie des historischen Wandels auseinander. Es folgt ein ebenso ausführlicher Methodenteil im sechsten Kapitel, in dem der Autor bereits vieler­orts ausgeführte Theoriemodelle und Überlegun­gen der empirischen Geschichtsdidaktik ausgiebig erläutert. Hier hätte sich der Leser eine kürzere und pointiertere Darstellung gewünscht.

Im Hauptteil, Kapitel 7, präsentiert Mathis die empirischen Ergebnisse seiner Untersuchung. Dabei differenziert er die Aussagen der Schülerin­nen und Schüler zu ihren Vorstellungen zur Fran­zösischen Revolution in folgende vier Aspekte: 1. Gründe und Ursachen, 2. (Aus-)Wirkungen und Errungenschaften, 3. historische Akteure und 4. zeitlicher Verlauf und Vorstellungen von Wandel und Kontinuität. In seinem immer wieder mit aus­führlichen Interviewausschnitten ergänzten und mit Hinweisen zur didaktischen Rekonstruktion versehenen Ergebnisteil präsentiert Mathis nicht nur aufschlussreiche Erkenntnisse zu Schülervor­stellungen, sondern bietet auch einen spannenden Einblick in die geführten Interviews. Mathis prä­sentiert dabei eine detailreiche, sauber erarbeitete Analyse der Schüleraussagen und ermöglicht auf diese Weise gleichsam einen transparenten Ein­blick in sein Auswertungsverfahren. So beobach­tet er beispielsweise, dass die Schülerinnen und Schüler, was die Ursachen der Französischen Revo­lution anbelangt, primär ökonomische Gründe anführen, diese jedoch, wenn es um Auswirkun­gen der Revolution geht, nur selten erwähnen. Vielmehr nennen die Befragten u. a. die Men­schenrechte als die in ihren Augen bedeutendste Errungenschaft der Revolution. Ausgehend von den analysierten Schülervorstellungen formuliert Mathis im abschliessenden achten Kapitel fünf Leitlinien für einen « sinnvollen, lernförderlichen » (S. 212) und wissenschaftsadäquaten Umgang mit der Französischen Revolution im Unterricht der Sekundarstufen I und II.

Der vorliegende Band bietet Geschichtsdidakti­kerInnen, Lehrpersonen sowie HistorikerInnen gleichermassen Interessantes. Er ist ein anregendes Beispiel für ein theoriegeleitetes Erhebungs- und Auswertungsverfahren von Schülerinterviews, liefert lehrreiche und praxisnahe Inputs zur didaktischen Strukturierung der Französischen Revolution als Thema im Geschichtsunterricht sowie eine detailreiche, fachliche Einbettung des Themas entlang historiographischer und geschichtstheoretischer Fragen. Gerade weil die Französische Revolution ein (fast) überall gelehr­tes Thema ist und viele aus der angesprochenen Leserschaft das Thema – das fester Bestandteil der hiesigen Lehrpläne ist – selbst vermitteln, empfiehlt sich die Lektüre. Vielleicht verdankt das Buch seine künftigen Leserinnen und Leser auch schlicht der « magische[n] Anziehungskraft » von Revolutionen, « deren man sich nur schwer entziehen » kann3.

[Notas]

1 Engels Jens Ivo, « Kontinuitäten, Brüche, Traditionen. Die Französische Revolution von 1789 », in Müller Klaus E. (Hg.), Historische Wendeprozesse. Ideen, die Geschichte machten, Freiburg, Basel, Wien, 2003, zit. nach Mathis Christian: « Irgendwie ist doch da mal jemand geköpft worden », Didaktische Rekonstruktion der Französischen Revolution und der historischen Kategorie Wandel, Baltmannsweiler, 2015, S. 44.

2 Riemenschneider R. (Hg.), Bilder einer Revolution. Die Französische Revolution in den Geschichtsschulbüchern der Welt, Frankfurt am Main, 1994, zit. nach Mathis, Christian …, S. 8.

3 Rohlfes Joachim, Geschichte und ihre Didaktik, Göttingen, 2005, zit. nach Mathis Christian …, S. 45.

Nora Zimmermann – PH Luzern.

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Mitten in Europa. Verflechtung und Abgrenzung in der Schweizer Geschichte – HOLENSTEIN (DH)

HOLENSTEIN, André. Mitten in Europa. Verflechtung und Abgrenzung in der Schweizer Geschichte. Baden: Hier und Jetzt, 2014, 285p. Resenha de: FURRER, Markus. Didactica Historica – Revue Suisse pour l’Enseignement de l’Histoire, Neuchâtel, v.2, p.181-182, 2016.

Der Berner Historiker André Holenstein tritt mit seiner transnationalen Deutung der Schwei­zer Geschichte « Mitten in Europa » gegen Vor­stellung und Klischee an, die Schweiz sei eine politische und historische Insel. Er hat mit sei­nem Buch in einer Zeit, in der Identitätspolitik und die Frage nach den Ursprüngen an Viru­lenz zugelegt haben, breite öffentliche Resonanz gefunden.1 Eine Antwort auf diese Entwicklung gibt André Holenstein gleich zu Beginn: Die von Globalisierung und Liberalisierung besonders betroffene Schweiz, die sich auch der europäischen Integrationsdynamik nicht entziehen könne, wirke fundamental verunsichert. Als Kleinstaat erfahre die Schweiz die Auswirkungen solch dynamischer ökonomischer und politischer Prozesse besonders drastisch. Der Blick in die Geschichte, wie ihn André Holenstein vornimmt, zeigt zudem, dass die Schweiz als Staatswesen « mitten in Europa » den vielfältigen politischen, gesellschaftlichen und auch ökonomischen sowie kulturellen Pro­zessen des europäischen Umfeldes schon immer stark ausgesetzt war und diese zur Staatswerdung und Identität gar massgebend beigetragen haben. André Holenstein bringt dies auf die Formel von « Verflechtung und Abgrenzung », welche er als zwei Seiten derselben Medaille verstanden haben will – ein Spannungsverhältnis, das sich durch die Jahrhunderte zog und bis in die Gegenwart immer wieder zu frappanten Parallelen führt, sei es in der Aussenhandelspolitik, der Diplomatie generell und überhaupt in der schweizerischen Wahrneh­mung Europas und der Welt. Diese Bezüge und Sichtweisen sind im vorliegenden Band besonders prägnant herausgearbeitet. Transnationalität wird in der Folge als « condition d’être » der Schweiz erkannt und ausgelegt.

Das für ein breiteres Lesepublikum anschaulich und beispielhaft geschriebene Buch ist auch für den Umgang mit und den Einbezug von Schwei­zer Geschichte im Unterricht von grossem Nutzen. Einmal postuliert André Holenstein, was Geschichte zu leisten vermag, und legt überdies Strukturen offen, wie man sich den Prozess der Herausbildung des schweizerischen Staatswe­sens erklären kann. Zur Sprache kommt auch die gesellschaftliche Funktion von Geschichte. So bedient historisches Wissen Orientierungsbe­dürfnisse: es schärft den Sinn für die Kräfte der Verflechtungen und der Abgrenzung und kämpft gegen das Verhaftetsein in statischen Geschichts­bildern an. Historisches Wissen kann so helfen, die Zeitgebundenheit von Geschichtsbildern und Geschichtsauffassungen zu entziffern und den Sinn für die Wandelbarkeit politischer Konstel­lationen und Machtlagen zu schärfen (S. 261).

Das Buch geht chronologisch verschiedenen Ent­wicklungssträngen und Prozessen nach und räumt mit Klischeevorstellungen mehrfach auf. Ein spe­zielles Augenmerk erhalten die Prozesse der Iden­titätsbildung wie der Alteritätserfahrungen im 15. Jahrhundert. Verflechtungen sowie Abgrenzungen in der alten Schweiz werden profund ausgeleuch­tet. Als Beispiele für die Verflechtungen wer­den Migration (darunter militärische und zivile Arbeitsmigration) sowie kommerzielle wie auch die aussenpolitischen und diplomatischen Ver­flechtungen diskutiert. Beispiele für Abgrenzungen bilden insbesondere die Neutralität, die sich vom Gebot der Staatsräson zum Fundament nationa­ler Identität entwickelt hat, oder auch das Gefühl des Bedrohtseins des ‹ eidgenössischen Wesens ›. Zwei weitere Kapitel widmen sich den Prozessen der modernen Schweiz zwischen « Einbindung und Absonderung ». Mit einem Blick zurück erfahren wir vorerst, dass Schweizer Kaufleute bereits früh aus der günstigen Lage mitten in einem chronisch krie­gerischen Europa heraus einen florierenden Handel mit Kriegsmaterial und lebenswichtigen Gütern betrieben (S. 105) oder auch, wie stark der strate­gisch sensible Raum des Landes durch die geopo­litische Lage im « Auge des Hurrikans » bestimmt war. Die eidgenössischen Orte unterhielten bereits früh mit allen wichtigen antagonistischen Mächten langfristige Vereinbarungen und verschafften sich auf diese Weise Sicherheit (S. 123). Eine beson­dere Bedeutung hatte Frankreich für die Schweizer Geschichte. Dieser Macht vermochten die kleinen eidgenössischen Republiken wenig entgegenzuset­zen, und so wirkte die Eidgenossenschaft bald als ihr Allianzpartner und bald als ihr Protektorat, je nach europäischer geopolitischer Grosswetterlage. Dabei war die alte Eidgenossenschaft auch ein schwieriges Pflaster für die ausländische Diplomatie, die sich um diesen strategischen Raum bemühte, was wie­derum zeigt, dass der schweizerische Raum schon früh als eigenständiges Völkerrechtssubjekt betrach­tet worden ist.

Immer wieder ist von Ambivalenzen die Rede. Das tiefe Bedürfnis nach Abgrenzung von einem als wesensfremd und bedrohlich wahrgenomme­nen Ausland gehört ebenfalls zur Geschichte der schweizerischen Aussenbeziehungen. Nach André Holenstein ist dies darauf zurückzuführen, dass in der konfessionell, später auch sprachlich-kulturell sowie politisch uneinheitlichen Schweiz die tradi­tionellen Anknüpfungspunkte für die Begründung nationaler Zusammengehörigkeit fehlten und ihre kleinen Republiken auch über keine Bezugspunkte zu fürstlichen Dynastien verfügten.

André Holensteins breit angelegte Analyse zeigt mit ihrer stringenten und originellen Fragestel­lung von « Verflechtung und Abgrenzung », was Geschichte zum Verständnis und Verstehen einer Staatswerdung beitragen kann. Sie hilft uns, vom starken Mythenbezug der Schweizer Geschichte abzurücken und an dessen Stelle in Gesellschaft und Schule historische Analyse und Reflexion einzubringen. Dafür machte sich bereits Herbert Lüthy 1964 stark, als er schrieb:

« Es ist gefährlich, wenn Geschichtsbewusstsein und Geschichtswahrheit, und damit auch Staatsbewusstsein und Staatswirklichkeit, so weit ausei­nanderrücken, dass wir von uns selbst nur noch in Mythen sprechen können. »2

[Notas]

1 Z.B. die Rezension von Maissen Thomas, Verflechtung und Abgrenzung, in http://www.nzz.ch/feuilleton/buecher/verflechtung-und-abgrenzung-1.18432160 (20.07.2015).182 | Didactica Historica 2 / 2016

2 Lüthy Herbert, Gesammelte Werke, Bd. IV, Zürich 2005, S. 82‒102, S. 84, zit. in André Holenstein…, S. 15.

Markus Furrer – PH Luzern.

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Schweizer Heldengeschichten – und was dahinter steckt – MAISSEN (DH)

MAISSEN, Thomas. Schweizer Heldengeschichten – und was dahinter steckt. Baden: Hier und Jetzt, 2015, 234 S. Resenha de: ZIEGLER, Béatrice. Didactica Historica – Revue Suisse pour l’Enseignement de l’Histoire, Neuchâtel, v.2, p.183-184, 2016.

Thomas Maissen ist in der Deutschschweiz im « Jubiläumssuperjahr » 2015 hervorgetreten durch seine Bereitschaft, wissenschaftlich basierte Geschichte gegen die geschichtspolitisch moti­vierten historischen Erzählungen von Christoph Blocher, der Leitfigur der schweizerischen SVP, zu stellen und die Diskussion um die Frage von Mythos und Geschichtswissenschaft zu führen. Dank seiner « Geschichte der Schweiz » (2010)

bestens bekannt und mit dem Renommee einer Professur an der Universität Heidelberg und der aktuellen Leitung des Deutschen Historischen Instituts Paris ausgestattet, bewegt er sich damit zwischen dem Geltungsanspruch von Experten und demokratischer Aushandlung von Geschichte. Dieser Problematik widmet er sich denn auch in der Einleitung seiner « Schweizer Heldengeschich­ten » und unterstreicht darin die Berechtigung von demokratischer Diskussion und Entscheidung über das kollektive Hoch- und In-Wert-Halten von Mythen. Wie bei jedem demokratischen Ent­scheid benötigt es, so Maissen, keiner Expertise, um eine Meinung zu haben und diese legitimer­weise in die öffentliche Diskussion einzuwerfen. Die Geschichtswissenschaft sei in derselben nur eine Stimme unter vielen. Allerdings billigt er ihr dann doch die Position der Expertenschaft zu, in der methodisch gesichert, analytisch fundiert und theoretisch basiert Geschichte erzählt werde und damit auch die Differenz zwischen Mythen und Geschichte mahnend benannt werden könne. Dort lägen auch ihre Rolle und ihre Verantwor­tung. Was Maissen damit deutlich macht, ist der Sachverhalt, dass Mythen eine andere Funktion erfüllen als Geschichte, aus deren Fundus sie sich, über jede Anbindung an Wissenschaftlichkeit hin­wegsetzend, immerhin (auch) bedienen.1 Und es ist wohl einfach der gesellschaftlichen Realität geschuldet, wenn er festhält, dass der Historiker nicht bestimmen könne, wie ein Mythos laute und welche Wirkung er entfalte. Die Chance, die Geschichtsbilder der schweizerischen Bevölkerung und Öffentlichkeit aufklärerisch zu beeinflussen, lägen demgegenüber darin, die Lücken aufzu­füllen zwischen den beiden geschichtskulturel­len Fixpunkten der schweizerischen Geschichte, der sogenannten Gründungszeit der Eidgenos­senschaft und der Zeit des Zweiten Weltkriegs, deren mythische Bedeutung er in der heldischen Bewährung gegen Bedrohungen und äussere Feinde sieht.

Diese Aufgabenzuweisung bestimmt denn auch das Buch: In 15 Kapiteln zitiert Maissen mythi­sche bzw. politische Aussagen zu schweizerischer Geschichte, diskutiert sie und entwickelt danach die entsprechende Geschichte so, wie sie ange­sichts des aktuellen Forschungsstandes und der vorhandenen und bekannten Quellen erzählt wer­den kann. Vom Rütlischwur bis zum Sonderfall erörtert er geduldig die jeweiligen Erkenntnisse der Wissenschaft und leistet damit aufklärerische Arbeit. Dass ihm dies auf überzeugende und gut lesbare Art gelingt, erstaunt niemanden, der seine früheren Publikationen gelesen hat.

Man möchte dann aber doch mit dem Geschichts­wissenschaftler Thomas Maissen streiten: weniger über seine wissenschaftlich fundierten Erzählun­gen und Aussagen als vielmehr über einiges, was er über die fachliche Expertenschaft und ihre Arbeit sagt. Vorerst schiebt er zwischen die Einleitung und die 15 Kapitel eine spannende Einführung in die Geschichte der Geschichtsschreibung zur Schweiz. Auch hier folgt man ihm interessiert und durchaus zustimmend. Weniger begeistert nimmt man aber den defätistischen Ton zur Kenntnis, in welchem er eine der grundsätzlichen Besonderhei­ten von Geschichte als Wissenschaft erwähnt – die fortwährende Erneuerung, Revidierung und Erwei­terung der geschichtswissenschaftlichen Erkenntnis –, die er dann aber neben die Aussage stellt, es sei in der politischen Auseinandersetzung legitim, auf veraltete Forschungsstände zurückzugreifen. Nun ist Erkenntnisfortschritt und damit die Revidie­rung von Wissen ein überaus wichtiges Kennzei­chen wissenschaftlicher Arbeit, und zwar auch im Falle der Geschichtswissenschaft. Zudem ist der politische antiaufklärerische Rückgriff auf revidier­tes und damit überholtes Wissen eine unredliche, das « Volk » täuschende Vorgehensweise im Inter­esse um « Macht und Wähleranteile », wie Maissen dies durchaus benennt, die schwerlich als legitim bezeichnet werden kann, wie er dies aber tut.

Auch die selbstbezichtigende Wendung befremdet, mit der Maissen die von ihm genannte Funktion von Geschichtswissenschaft in der Geschichtskul­tur beschreibt: So ist es zweifellos richtig, wenn er die Tätigkeit, in welcher die Geschichtswissen­schaft die « volkstümliche Deutung der Geschichte mit dem aktuellen Wissensstand unter Fachleu­ten vergleicht », als dekonstruierend bezeichnet.2 Warum er ihr aber das Attribut des Negativen hinzufügt (S. 11) und es bedauert, dass ein His­toriker nicht in gleicher Weise über gewonnene Erkenntnisse hinweggehen darf (S. 12), wie das Teile der Geschichtspolitiker tun, ist unverständ­lich. Und die Frage, wie eine mythische Erzäh­lung Räume für Entwicklung öffnen soll, wenn sie sich elementarer wissenschaftlich begründeter Kritik an einzelnen ihrer Elemente oder an der mangelnden Begründung ihrer Sinnstiftungen kategorisch verschliesst, müsste dann doch gestellt werden (S. 12).

[Notas]

1 Man tut gut daran, Roland Barthes’ Nachdenken über die Spezifität des Mythos nicht zu vergessen. Barthes Roland, Mythen des Alltags, Frankfurt am Main: Suhrkamp, 1964.184 | Didactica Historica 2 / 2016

2 Die Dekonstruktion als eine Textanalyse, die denselben auf Entstehungszusammenhänge, Interessen und Aussageabsichten, fachliche Richtigkeit und Plausibilität hin untersucht, ist in den letzten Jahren in der Geschichtsdidaktik als De-Konstruktion bedeutsam geworden, gerade weil der Umgang mit geschichtskul­turellen Geschichtsdeutungen neben der Fähigkeit zur Erstellung der eigenen Narration als zwingend erachtet wird, um selbst­bestimmt mit Geschichte in der Gesellschaft umzugehen. Vgl. Schreiber Waltraud, Körber Andreas, Borries Bodo von, Krammer Reinhold, Leutner-Ramme Sibylla, Mebus Sylvia, Schöner Alexander, Ziegler, Béatrice, Historisches Denken. Ein Kompetenz-Strukturmodell, Neuried: ars una, 2006.

Béatrice Ziegler – PH FHNW, Aarau und Universtät Zürich.

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Technocritiques – JARRIGE (DH)

JARRIGE, François. Technocritiques.(1) Paris: La Découverte, 2016. Resenha de: NICOD, Michel. Didactica Historica – Revue Suisse pour l’Enseignement de l’Histoire, Neuchâtel, v.2, p.159-160, 2016.

De nos jours, alors que les moyens de communica­tion de l’information ainsi que la rapidité assurée par la multitude des voies de transport d’objets et de matières transforment le monde, les techniques sont soit déifiées, soit violemment critiquées. Des pesticides aux OGM, du « tout automobile » aux services à la personne assurés par un robot, l’évo­lution des techniques et leur présence dans notre quotidien nous interpellent.

Comment aborder les techniques2 dans le cours d’histoire donné par l’enseignant ? Quelle place donner à cette thématique dans l’enseignement de l’histoire pour quels débats à soulever ? Où trouver les sources et les textes ? Quel découpage des périodes historiques adopter ? Et quelle place donner au monde non européen ?

Voici quelques réflexions suscitées par la lecture de l’ouvrage Technocritiques de François Jarrige. Un livre qui couronne sept années des travaux que l’historien a consacré aux luttes et contesta­tions ayant accompagné le développement de l’âge industriel depuis sa thèse éditée en 2007.

Son ouvrage, construit en trois grandes parties, suit une perspective chronologique où l’auteur décrit l’alternance d’époques de critiques ou de vénération du progrès technique. La lecture débute par une partie consacrée au refus des premières innovations technologiques au nom de la défense du savoir artisanal, des risques encourus et de l’accroissement de la pauvreté.

Une seconde partie est consacrée aux années 1780 – 1840, et retrace l’infléchissement des débats. Il n’est plus possible de s’opposer aux nouvelles technolo­gies qui apparaissent dans tous les espaces sociaux. Le progrès technique étant accepté, les discours portent, dorénavant, sur la place et le contrôle des machines. Tous les esprits s’y convertissent, dans toutes les familles politiques, jusqu’à l’Église3.

L’auteur nous invite, dans la 3e et dernière étape de notre lecture, à découvrir la résurgence d’une pensée critique qui, après 1945, nous mène aux débats contemporains sur le contrôle des nouvelles technologies.

François Jarrige réalise, tout le long de son ouvrage, une synthèse minutieuse des débats qui ont accom­pagné l’industrialisation de l’Europe, à travers laquelle il redonne voix aux « vaincus de l’histoire » et décrit la pluralité des discours et les alternatives, maintenant oubliées, qui ont accompagné chaque phase de l’industrialisation. Durant chacune de ces phases, les critiques ont proposé d’infléchir le « pro­grès » en y introduisant des visions plus égalitaires. Ces dernières ont influencé le cours de l’histoire et ont induit des politiques plus respectueuses de la sécurité et du confort de la population.

Dès lors, une histoire du progrès technique ne saurait se passer d’une histoire des critiques de ces mêmes progrès techniques ; à savoir une inquiétude constante qui accompagne le déve­loppement du machinisme et l’envahissement des sociétés humaines par des machines toujours plus complexes.

L’auteur montre que, si des alternatives ont été proposées dans le passé, d’autres sont encore pos­sibles aujourd’hui, non pas pour renoncer à l’inno­vation technique, mais pour discuter de sa place. Il s’efforce de désacraliser l’analyse des techniques et de les replacer dans l’histoire comme lieu de rap­ports sociaux inégaux, notamment entre patrons et ouvriers4. François Jarrige sait qu’il expose une analyse qui dénote, dans un monde « façonné par l’innovation »5. Il met en cause le progrès tech­nique ou du moins l’interroge lorsqu’il dénonce la « course à l’abîme du fatalisme technologique ».

La réflexion proposée par l’ouvrage s’inscrit dans une lignée de travaux qui, depuis un siècle, inter­rogent notre rapport aux techniques6. L’auteur se

réfère abondamment aux travaux de ses prédéces­seurs pour mettre en cause une vision univoque des techniques comme apportant le bien-être aux sociétés humaines.

Il propose un parcours dans le temps, étape par étape: de 1800 aux réflexions les plus récentes, il retrace les débats suscités par le développement des techniques. L’enseignant y trouvera de nombreuses citations et références qui enrichiront son travail au quotidien, ainsi que l’analyse des discours et débats depuis 1800.

Cependant, l’approche chronologique choisie par l’auteur ne met pas en évidence les facteurs constants qui ont accompagné ces débats: les enjeux de pouvoir, la crainte de la paupérisation, les atteintes à la nature, la critique sociale.

Ainsi, à travers des périodes, des régions, des outils et leurs divers moyens de diffusion, François Jarrige nous fait voyager sur deux siècles. Au xxie siècle, nous vivons dans un espace mondial fortement unifié par les moyens de communication où la diffusion des innovations se fait instantanément en traversant l’espace et le temps. Pourtant, le débat persiste sur les dangers d’adopter des innovations dont la place dans nos sociétés n’a pas été négociée entre les acteurs sociaux, et dont les effets n’ont pas toujours été mesurés.

Ainsi, ne pas avoir son smartphone à portée de main peut–il entraîner une perte de concentra­tion, des troubles dus à l’anxiété ? Et disposer d’un smartphone nuit-il à la vie en société ? La présence, le refus ou l’acceptation des techniques dans notre quotidien nous divisent autant qu’ils nous fédèrent.

[Notas]

1. Paris: La Découverte, 2016

2 Par « technique », nous reprenons la définition qu’en donne Didier Gazagnadou, « un acte efficace sur la matière, sur un milieu ou sur le corps, avec la médiation du corps humain, des instruments, des outils et des machines », voir Gazagnadou Didier, La diffusion des techniques et des cultures: essai, Paris: Kimé, 2008, p. 39.

3 Jarrige François, Technocritiques, p. 125-126.160 | Didactica Historica 3 / 2017

4 Jarrige François, Technocritiques, p. 155 « mettre les machines au service du prolétariat ».

5 Jarrige François, Technocritiques, p. 352, 355.

6 Voir les travaux que Lewis Mumford, François Gilles et plus récemment Didier Gazagnadou, Christophe Bonneuil et  Jean-Baptiste Fressoz ont consacré à l’histoire des techniques.

Michel Nicod – Établissement primaire et secondaire Roche-Combe Nyon.

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Recherche historique et enseignement secondaire (DH)

Recherche historique et enseignement secondaire. Annales. Histoire, sciences sociales, vol. 70, n° 1, 2015, p. 141-214. Resenha de: BUGNARD, Pierre-Philippe. Didactica Historica – Revue Suisse pour l’Enseignement de l’Histoire, Neuchâtel, v.1, p.201, 2015.

Exceptionnellement, les Annales consacrent la deuxième partie de leur numéro de janvier-mars 2015 aux rapports qu’entretiennent la recherche historique et l’histoire enseignée en France, à partir du débat organisé par la revue aux Rendez-vous de l’histoire de Blois 2013 sur « Les Annales et l’enseignement ». Des rapports devenus sans doute plus aisés et plus consensuels à partir de la création des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), à la fin des années 1980, jusqu’aux réformes récentes de la formation des enseignants, avec en 2013 la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE). Un équilibre s’est ainsi établi entre les pôles que forment la science historique et sa pédagogie, conformément à une évolution signalée comme analogue en Europe et au-delà.

Une série d’articles stimulante, ouverte aux expériences concrètes conduites par des praticiens em collège et en lycée, entre en tension ou en harmonie avec la didactique, l’historiographie et l’épistémologie de l’histoire. Il est notamment souligné, en introduction, que l’intérêt pour la recherche manifesté dans les établissements pourrait permettre à l’histoire scolaire de « sortir de l’orniere » la confinant entre attentes politiques antinomiques et dédain des chercheurs: elle peut dans ces conditions « etre pensee autrement que comme une forme degradee d’histoire “savante” » (nous renvoyons ici à l’article de Laurence De Cock).

Le dossier des Annales est sans doute le plus important consacré à l’histoire enseignée depuis le numéro spécial « Difficile enseignement de l’histoire » de la revue Le Debat (vol. 175, no 3, 2013), mentionné dans l’introduction, ou la grande note de synthèse « La didactique de l’histoire » de Nicole Lautier et Nicole Allieu-Mary dans la Revue francaise de pedagogie (no 162, 2008, p. 95-131).

Table

Anheim Étienne, Girault Bénédicte, L’histoire, entre enseignement et recherche

Barbier Virginie, L’histoire-géographie en classe. La construction d’un savoir par l’apprentissage d’un savoir-faire

Berthon-Dumurgier Alexandre, Apprentissages historiques et métier d’historien. Un parcours de compétences

El Kaaouachi Hayat, La recherche en histoire dans la formation continue des enseignants

De Cock Laurence, L’histoire scolaire, une matière indisciplinée

Delacroix Christian, Un tournant pédagogique dans la formation des enseignants. Le cas du Capes d’histoire-géographie

Girault Bénédicte, De la didactique à l’épistémologie de l’histoire: une réflexivité partagée

Pierre-Philippe Bugnard – Université de Fribourg.

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L’histoire, pour quoi faire? – GRUZINSKI (DH)

GRUZINSKI, Serge. L’histoire, pour quoi faire? Paris: Fayard, 2015, 300p. Resenha de: NICOD, Michel. Didactica Historica – Revue Suisse pour l’Enseignement de l’Histoire, Neuchâtel, v.1, p.203-204, 2015.

Comment et avec quelles précautions enseigner l’histoire de la première mondialisation du xvie siècle? Cet ouvrage montre que, parmi les modes de représentation du passé, le recours à l’histoire est particulièrement adéquat pour élaborer une démarche critique, surtout lorsqu’il s’accompagne de l’utilisation de supports iconiques, tels le cinéma ou le jeu vidéo. Ces supports, en effet, facilitent en classe le travail de distanciation face aux conceptions spontanées.1 L’histoire, pour quoi faire? est l’aboutissement de vingt années de recherches menées par l’historien français Serge Gruzinski. Celui-ci y reprend ses thèmes favoris: la conquête de l’Amérique du Sud et du Mexique par les Portugais et les Espagnols au xvie siècle, le métissage et la rencontre des cultures qui s’ensuit, le rôle et la place de l’image en histoire.

L’auteur plaide pour une étude des regards que colonisateurs et colonisés se sont mutuellement jetés. Il nous entraîne à scruter de l’extérieur notre propre histoire, pour voir comment l’Europe s’est emparée du monde, non seulement avec les armes mais aussi avec ses représentations, ses cartes, sa géographie.

Dans les premiers chapitres, le livre nous invite à une analyse fine des modes de représentation du passé, des cérémonies d’ouverture des Jeux olympiques aux jeux vidéo, des feuilletons télévisuels aux superproductions des cinémas chinois ou américains, qui ont tous bien davantage d’audience que les historiens. L’auteur s’interroge sur le message véhiculé par ces superproductions qui mettent en scène des époques et des lieux différents. Or leurs reconstitutions stéréotypées n’apportent que rarement une réflexion critique. Il en est de même des jeux vidéo qui n’ont rien d’innocent.

Ils mettent trop souvent en scène des idéologies conservatrices exaltant le goût du pouvoir, l’opposition des barbares aux civilisés. Loin d’être des supports de cours idéaux, ils se prêtent néanmoins à une analyse critique.

Ainsi, l’ouvrage met en lumière les nombreux supports qui existent parallèlement aux récits des historiens. En le parcourant, le lecteur prend conscience du décentrement nécessaire à l’étude des sociétés, de l’importance de décloisonner, puis de reconnecter les différents domaines historiques.

L’auteur montre que c’est à partir du local, en l’occurrence de l’étude de l’Amazonie, que pourra s’étudier la globalisation. Cette dernière est au coeur du livre, où le présent se fait l’écho du passé: aujourd’hui au Brésil, par exemple, le trafic de DVD piratés a remplacé le trafic de produits tropicaux du xvie siècle.

En résumé, Serge Gruzinski met en relief la nécessité de poser d’autres questions, de chausser d’autres lunettes pour envisager le passé comme le futur. Selon lui, notre vision du monde est décalée par rapport aux questions actuelles, car les sociétés se mélangent: l’ailleurs est venu en Europe, tandis que celle-ci s’est étendue au monde. Ainsi, une culture de l’entre-deux, mélangée, fragile mais nécessaire, est apparue, celle des métis, passeurs de culture. Le livre en fait l’éloge tout en montrant sa fragilité.

Serge Gruzinski nous interpelle et nous bouscule par les rapprochements qu’il opère entre le xvie siècle et l’époque inquiète que nous vivons.

Son livre est une bonne introduction à ses recherches antérieures et à l’histoire des mentalités.

Il offre une réflexion enrichissante sur notre temps.

Son questionnement nourrit les réflexions de ses lecteurs en les invitant à se demander si nous ne construisons pas des passés afin de construire du sens, des repères pour affronter les « incertitudes du présent ».

Né en 1949, l’historien français Serge Gruzinski, directeur d’études à l’EHESS de Paris, enseigne l’histoire en France, aux États-Unis et au Brésil.

Il a notamment publié La pensee metisse, Paris: Fayard, 1999 ; Les quatre parties du monde. Histoire d’une mondialisation, Paris: La Martinière, 2004 ; L’aigle et le dragon, Paris: Fayard, 2012.

Michel Nicod

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Regards sur le monde. Apprendre avec et par l’image a l’ecole – DURISCH GAUTHIER et al (DH)

DURISCH GAUTHIER, Nicole; HERTIG, Philippe; MARCHAND, Reymond Sophie (éds.). Regards sur le monde. Apprendre avec et par l’image a l’ecole. Neuchâtel: Alphil-Presses universitaires suisses, 2015, 359p. Resenha de: FINK, Nadine. Didactica Historica – Revue Suisse pour l’Enseignement de l’Histoire, Neuchâtel, v.1, p.205-206, 2015.

Nous vivons dans un monde d’images, fixes et mobiles, que ce soit dans notre vie quotidienne ou dans la salle de classe. Nous sommes non seulement constamment exposés aux images, mais nous en sommes également devenus de fervents produc teurs et diffuseurs. Nous savons que chacune d’entre elles n’est qu’une représentation qui construit un point de vue et qui délivre un discours, un certain regard sur le monde. Pourtant, les images ont le plus souvent été – et sont encore majoritairement – utilisées de manière illustrative en guise d’accompagnement de textes et de discours. Une telle approche tend à prendre le visible pour le réel, le réel pour le vrai. Déconstruisant ce rapport illustratif, Regards sur le monde place l’image et son usage au coeur des apprentissages. Celle-ci devient alors bien plus qu’une simple illustration: elle est un support de connaissance que l’on peut utiliser au même titre qu’un texte, en apprenant à en identifier la nature et le statut, à en analyser le contexte de production et le contenu, à en décoder le message et les représentations véhiculées. L’objectif de ce bel ouvrage collectif – très richement illustré – est précisément d’offrir aux enseignants des exemples concrets d’utilisation de l’image à l’école, de manière à ce qu’ils puissent s’en inspirer pour leurs propres séquences d’enseignement.

Dans le domaine des sciences humaines et sociales, chaque discipline porte un regard sur l’image qui lui est propre, l’analysant selon des questionnements qui relèvent de son champ scientifique. Certaines problématiques d’apprentissage relèvent toutefois d’une « grammaire commune », de caractéristiques génériques qui transcendent les disciplines spécifiques.

Elles font l’objet des quatre chapitres de la première partie de l’ouvrage, qui permettent de saisir les principaux enjeux et méthodes de l’usage et de l’analyse de l’image dans les sciences humaines et sociales: apprendre à décoder et à analyser les images (processus de dénotation/connotation), à les classer et à les catégoriser, à les exploiter em classe, à prendre conscience de l’imaginaire collectif construit par les images. La seconde partie de l’ouvrage donne successivement la voix au statut spécifique de l’image en géographie, en histoire, en éthique et culture religieuses. Tous ces chapitres se fondent sur des expériences réalisées en classe ou dans le cadre de la formation d’enseignants. Quatre d’entre eux sont consacrés à l’enseignement de l’histoire.

Ils mettent en évidence l’importance du rôle de l’image dans la construction du discours historique et décrivent des démarches originales et inspirantes pour travailler en classe à partir d’images fixes et mobiles, qu’il s’agisse d’affiches de propagande politiques et publicitaires, de caricatures et de dessins de presse, de films documentaires et de fiction, ou même de clips musicaux et de séries à succès. Il ressort ici – comme dans tout l’ouvrage d’ailleurs – que le travail d’analyse des images n’est pas une fin en soi, mais qu’il participe à la construction d’un savoir propre à chaque discipline scolaire. La troi sième partie propose trois regards extérieurs à l’école pour explorer les domaines de la photographie, du cinéma et de la bande dessinée. Une quatrième et dernière partie met en perspective l’ensemble des chapitres pour plaider en faveur d’un enseignement qui apprenne non seulement aux élèves à décoder les images et à affiner leurs regards d’observateurs, mais qui développe également leurs compétences et leurs savoirs dans l’utilisation des nouvelles technologies.

Cet ouvrage permettra aux disciplines des sciences humaines et sociales – particulièrement grandes consommatrices d’images – de prendre en charge une forme d’éducation au regard. Un tel enseignement constitue un enjeu majeur en termes d’apprentissage pour donner des clés de lecture aux élèves: il s’agit de les outiller pour qu’ils puissent faire face aux nombreuses manipulations et représentations réductrices auxquelles les exposent les images.

Nadine Fink – Haute École pédagogique, Lausanne.

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Histoire globale. Un autre regard sur le monde. Paris: éditions Sciences humaines – TESTOT (DH)

TESTOT, Laurent (éd.). Histoire globale. Un autre regard sur le monde. Paris: éditions Sciences humaines, 2015 (2e éd. revue et aug.), 288 p. Resenha de: BUGNARD, Pierre-Philippe. Didactica Historica – Revue Suisse pour l’Enseignement de l’Histoire, Neuchâtel, v.1, p.206-208, 2015.

Histoire globale, dans sa deuxième édition, renoue avec les approches et les objets lancés par la deuxième génération des nouveaux historiens, celle de l’école française des Annales, à partir des années 1970. Les meilleurs géo-historiens actuels renouvellent ici le genre en y greffant, notamment, la transdisciplinarité de l’espace-temps. L’ouvrage, entre « microstoria » et « histoire connectée », rassemble une série de monographies impliquant chacune leur propre histoire-monde. Voilà de quoi donner aux programmes scolaires toutes les raisons de s’ouvrir à une nouvelle histoire globale enseignée.

Le livre se conclut sur un chapitre consacré à l’enseignement de l’histoire globale par Vincent Capdepuy, géo-historien à l’Académie de La Réunion, invité au cours 2015 du GDH « L’Histoire-Monde, une histoire connectée ! ». Deux autres conférenciers de ce cours contribuent à Histoire globale: Bouda Etemad (« Empires coloniaux: essai de bilan global ») et Christian Grataloup (« Des mondes au Monde: la géohistoire »).

Nous livrons ici in extenso la recension et la table du site des éditions Sciences humaines: http:// editions.scienceshumaines.com/histoire-globale_ fr-559.htm (consulté le 5 mai 2015).

Recension La mondialisation nous impose aujourd’hui d’envisager une histoire du Monde pris dans son ensemble. Il est devenu urgent de concevoir une histoire ouverte, qui s’enrichit de comparaisons entre différentes sociétés, étudie les connexions entre civilisations, tisse des liens entre les parcours individuels et les destins des empires, ose s’attaquer à de nouveaux objets en mobilisant la géographie, l’économie, l’anthropologie, les sciences politiques, la sociologie… L’approche globale en histoire revêt deux visages.

D’abord celui de l’histoire mondiale, un récit englobant le passé commun de l’humanité, de son apparition en Afrique il y a plusieurs millions d’années à la globalisation contemporaine. Le second visage est celui de l’histoire globale. Elle propose une méthode d’analyse, à la fois transdisciplinaire, au long terme, sur longue distance. L’historien doit savoir jouer de la mobilité de son regard, varier les échelles d’approche, penser autrement le passé – ce passé qui aurait pu être autre, qui est aussi perçu différemment ailleurs.

Produire des histoires à parts égales, où l’humanité se découvre des passés et un futur communs. Tel est le projet de l’histoire globale. Depuis longtemps reconnue dans les pays anglo-saxons, cette histoire globale est restée dans le monde francophone l’apanage de quelques pionniers, de trop rares livres… Le présent ouvrage constitue une première exploration d’ensemble de ce champ de recherche en pleine émergence.

Laurent Testot est journaliste à Sciences humaines, il a dirigé plusieurs dossiers consacrés à cette nouvelle discipline qu’est l’histoire globale, dont le hors-série Sciences humaines Histoire n° 3 « La nouvelle histoire du Monde » (décembre 2014-janvier 2015).

Coordinateur du présent ouvrage, il a également coordonné, aux Éditions Sciences humaines, La Guerre. Des origines a nos jours (avec Jean-Vincent Holeindre), 2012 ; Une histoire du monde global (avec Philippe Norel), 2012 ; La Religion. Unite et diversite (avec Jean-François Dortier), 2006. Il administre, avec Vincent Capdepuy, le blog « Histoire globale »: http://blogs.histoireglobale.com.

Avec les contributions de: Frédéric Barbier, Jérôme Baschet, Philippe Beaujard, Roy Bin Wong, Lucette Boulnois, Vincent Capdepuy, Dipesh Chakrabarty, Gérard Chaliand, David Cosandey, René-Éric Dagorn, Frédéric Denhez, Marcel Detienne, Caroline Douki, Bouda Etemad, Christian Grataloup, Olivier Grenouilleau, Catherine Halpern, Nicolas Journet, Jacques Lévy, Régis Meyran, Philippe Minard, Philippe Norel, Jean- Pierre Poussou, Benoît Richard, Pierre-François Souyri, Bernard Vincent.

Table

Préface

Introduction

L’histoire au défi du monde (L. Testot)

Les sources de l’histoire globale (R. Meyran)

I. Restituer des dynamiques

Commerce et conquêtes… sur les routes de la soie (L. Boulnois)

Les racines médiévales de l’expansion occidentale (J. Baschet)

Le monde à l’envers: un Moyen Âge japonais? (Rencontre avec P.-F. Souyri)

1492: année cruciale (Rencontre avec B. Vincent)

Empires coloniaux: essai de bilan global (B. Etemad)

L’onde de choc des révolutions (J.-P. Poussou)

La société-Monde, une histoire courte (J. Lévy)

II. De nouvelles perspectives

Un espace mondialisé: l’océan Indien (P. Beaujard)

Comment les peuples guerriers ont façonné le monde (Rencontre avec G. Chaliand)

La naissance de l’imprimerie et la globalisation (F. Barbier)

Les raisons du « miracle européen » (Rencontre avec D. Cosandey)

Jalons pour une histoire globale de l’esclavage (O. Grenouilleau)

La Chine face à l’Occident (R. Bin Wong) Les enjeux d’une histoire du climat (F. Denhez)

III. Les approches méthodologiques

Pour un changement d’échelle historiographique (C. Douki et P. Minard)

La dimension globale en histoire économique (P. Norel)

Big history et histoire environnementale (R.-É. Dagorn)

Des mondes au Monde: la géohistoire (C. Grataloup)

Des Grecs aux Iroquois, une démarche comparative (Rencontre avec M. Detienne)

Les postcolonial studies: retour d’empires (N. Journet)

Quelle histoire pour les dominés? (Rencontre avec D. Chakrabarty)

Conclusion

Enseigner l’histoire globale (V. Capdepuy)

Pierre-Philippe Bugnard – Université de Fribourg

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Les Suisses – DIRLEWANGER (DH)

DIRLEWANGER, Dominique. Les Suisses. Paris: Ateliers Henry Dougier, 2014, 143p. Resenha de: MASUNGI, Nathalie. Didactica Historica – Revue Suisse pour l’Enseignement de l’Histoire, Neuchâtel, v.1, p.209, 2015.

Ce livre s’insère dans la collection « Lignes de vie d’un peuple », dont l’objectif est de présenter des populations en remettant en cause les stéréotypes (souvent tenaces) s’y attachant.

La dimension polymorphe de la Suisse et de ses habitants est mise en exergue par le biais de témoignages d’experts autour de thèmes politique, historique, économique et culturel. Chaque spécialiste propose, en plus de ses considérations scientifiques, son point de vue personnel quant à ce qui fonde l’identité des Suisses, hier et aujourd’hui.  L’ouvrage intéressera les curieux avides de percer le secret d’un pays qui, lorsqu’il est évoqué de l’extérieur, est celui des clichés: la Suisse est décrite comme un paradis fiscal, comme une terre habitée par un peuple heureux, comme une nation située au « carrefour des cultures europeennes et avec quatre langues nationales […] ». Dominique Dirlewanger propose d’aller au-delà de ces images. Il montre ce qui fait ce pays, dont mythes et légendes jalonnent également la création de sa propre identité vis-àvis de l’étranger.

Ce livre permet aussi au lectorat suisse de trouver des réponses à une question récurrente qui hante le débat politique et l’espace public: celle de la définition d’une identité commune, matérialisée par un « qui sommes-nous? » qui n’appelle pas de réponse simple et définitive.

Les Suisses peut enfin être employé comme ressource réflexive à l’attention d’élèves du secondaire (14-18 ans), afin de mettre en perspective des thématiques abordées dans le cadre des cours d’histoire, de citoyenneté ou d’économie et droit.

Historien et enseignant, Dominique Dirlewanger est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Tell me. La Suisse racontee autrement (ISS-UNIL, 2010). Il collabore avec l’Interface sciences-société de l’Université de Lausanne pour la création d’ateliers de vulgarisation scientifique en histoire. Il a fondé l’association memorado.ch afin de promouvoir l’histoire suisse.

Nathalie Masungi –  Établissement scolaire du Mont-sur-Lausanne et Haute École pédagogique, Lausanne.

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Paroles de témoins, paroles d’élèves. La mémoire et l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, de l’espace public au monde scolaire – NADINE (DH)

NADINE, Fink. Paroles de témoins, paroles d’élèves. La mémoire et l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, de l’espace public au monde scolaire. Berne: Peter Lang, 2014, 266p. Resenha de: BUGNARD, Pierre-Philippe. Didactica Historica – Revue Suisse pour l’Enseignement de l’Histoire, Neuchâtel, v.1, p.199-200, 2015.

Dans l’opération que tout un chacun tente irrémédiablement, au moins à partir de son école, pour comprendre son passé et celui des civilisations, les postures emblématiques de l’historien et du témoin sont tour à tour convoquées ou repoussées. Et c’est donc à une forme de tragédie cornélienne que l’on assiste dans ce livre: qui l’emportera du témoin qui a vu ou de l’historien qui a lu? Le drame s’incarne dans un scénario que l’on ne peut plus lâcher dès qu’on a commencé à en suivre la trame. L’auteure pris soin de l’attacher à un lieu, la Suisse, et à un temps, la Seconde Guerre mondiale. Cette période rend cruciale la question de savoir ce qui est le plus recommandable: le témoignage d’un contemporain ayant vécu les événements ou l’analyse d’un historien illustrant la même époque à partir d’archives? À propos, comment procédaient les créateurs de l’histoire dans l’Antiquité? C’est sur un rappel fondamental que le livre attire d’abord l’attention: la discipline est née comme une science sociale avec Hérodote, à partir d’un premier rapport d’enquête (historia, en grec) fondé sur des témoignages… Or c’est justement la démarche avec laquelle il semble que l’on ait renoué, dès lors que les technologies ont permis d’enregistrer les témoignages tardifs de ceux qui ont vécu une histoire ignorée de la dernière génération (non sans se targuer, parfois, d’être des dépositaires incontestables de cette histoire, dès lors qu’on dispose du récit des ultimes témoins vivants du passé !). Les historiens ont donc dû faire des concessions à leurs certitudes positivistes, forgées sur l’enclume des sources écrites qu’ils tiennent souvent, eux aussi, pour parole d’évangile, ou comme discours fabriqué dès le moment où la discipline se constitue en palliatif à la disparition des témoins directs: c’est par exemple la démarche adoptée par Michelet pour aborder la Révolution. Toute cette histoire de l’histoire, admirablement reconstituée, figure en exergue de l’ouvrage. Aucun professeur ne se lassera de la lire ou de la relire !.

À partir de là, on a hâte d’en savoir davantage sur les forces antagonistes du drame qui se joue, en Suisse, autour de la question pivot de tout le xxe siècle helvétique, question qui s’est posée aussi au monde dès 1945: pourquoi ce petit pays n’a-t-il pas été envahi par les puissances de l’Axe alors qu’il est au centre géographique des hostilités, au point de constituer un obstacle à renverser absolument? Imaginez une classe étudiant cette bataille entre témoins et historiens pour reconstituer la trame d’un tel passé… La thèse de Nadine Fink prend cette question comme départ de sa recherche. Elle n’a pas à la traiter dans sa dimension épistémologique, puisque la démarche de recherche relève de la didactique.

Elle l’aborde dans une langue limpide, en faisant l’inventaire des forces qui s’affrontent pour fabriquer la mémoire d’une période sensible. Cette histoire est porteuse d’une image déterminante pour les valeurs d’une nation improbable, donc particulièrement sensible au passé qui la justifie. Elle est tiraillée entre témoins et historiens, entre peuples des années de guerre, interviewés en fonction des critères de l’histoire orale du dispositif de L’histoire c’est moi (http://www.archimob.ch/), et historiens savants de la Commission Bergier, oeuvrant en fonction des canons de leur discipline.

Cette histoire duale de la fabrication de l’histoire est à elle seule déjà passionnante, pour le public comme pour les professeurs. Elle devient incontournable lorsqu’elle s’attelle, dans la partie centrale du travail, à étudier la contribution du témoignage oral à la constitution d’une pensée historienne scolaire.

Comment passe-t-on du témoignage brut à une telle pensée? Par des opérations de distanciation formulées d’abord sous forme d’hypothèses: il s’agit de limiter l’empathie, obstacle à la dissociation histoire/ mémoire, de privilégier l’hétérogénéité des témoignages, levier au doute sur leur véracité, et de les confronter aux contextes d’élaboration de la mémoire, ferment de distance critique.

Pour l’enquête, 73 classes des trois degrés se sont impliquées dans une exposition présentant 13 heures d’images. Cette dernière a été l’objet d’une analyse qualitative du rôle des témoignages oraux comme support didactique au développement d’une pensée historienne scolaire. Les témoignages proposés chamboulent les conceptions des élèves ; impossible de relayer ici la substance de tels bouleversements conceptuels, mais s’il faut résumer à gros traits, on peut dire que l’image de la Suisse est en partie débarrassée des illusions qui l’enjolivaient.

Les entretiens conduits avec 24 élèves montrent, parmi les trois idéaux types élaborés – croyants, rationalistes, scientistes –, que si chacun parvient à déterminer le caractère intrinsèque des récits, seul, en toute logique, le groupe des croyants accorde un statut de véracité aux témoignages.

À partir de l’expérience d’une telle recherche, imaginons pousser la mise en perspective et confronter les élèves aux sources de l’histoire orale simultanément aux sources historiennes. Par exemple celles des archives Guderian, montrant que, du point du vue allemand, les villes suisses auraient pu être prises « au plus tard dans le courant du deuxieme jour » d’une offensive. Ou encore celles du Conseil fédéral, révélant qu’en 1942 déjà, « un des elements d’interet susceptible d’assurer le respect par l’Allemagne de notre independance nationale est notre situation economique et monetaire ». Imaginons aussi, dans une comparaison entre sources orales et récits de manuels, la réaction d’élèves comparant le témoignage de l’historien et conseiller fédéral G.-A. Chevallaz – « nous n’aurions pas tenu trois jours » en cas d’attaque de l’Allemagne – avec sa propre version du manuel Payot – « Le “herisson helvetique”, barricade dans ses montagnes, restait isole et libre dans une Europe mise au pas » – ou avec le manuel Fragnière: « Le reduit alpin et la bonne preparation de l’armee a repousser une attaque ont joue un role suffisamment dissuasif. » La recherche de Nadine Fink illustre à quel point les témoignages oraux ne révèlent que l’écume de vagues aux reflets changeants. Pour saisir la profondeur de l’océan, il faut aussi le temps de collation de mille autres témoignages, de toutes natures, jusqu’à ce qu’ils parviennent aux historiens pour alimenter leurs rapports d’enquête. Et c’est au contexte d’élaboration de tels rapports qu’on peut dès lors initier nos élèves. Personne n’accepterait de déclarer responsable tel conducteur d’un véhicule impliqué dans un accident de la route sur la base du premier témoignage oral, sans audition des autres témoins, sans l’examen des véhicules, de l’état des pneus et de la chaussée, sans l’analyse des taux d’alcoolémie, des permis de conduire, sans la prise en compte des codes routiers et des coutumes du pays de l’accident, de ses conditions d’assurance… Si les élèves considèrent que l’intelligibilité de leur propre histoire et de celle du monde réclame l’élaboration d’un tel contexte, alors la parole des témoins directs revêtira à leurs yeux toute sa signification.

Pierre-Philippe Bugnard – Université de Fribourg.

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Didactica Historica | GDH/DGGD | 2015

Didatica Historica Suica Didactica Historica | GDH/DGGD | 2015

Didactica Historica. Revue suisse pour l’enseignement de l’histoire (2015-) est une revue accordant une place importante aux pratiques et aux ressources consacrées à l’enseignement de l’histoire. Elle a été créée par le Groupe d’étude de didactique de l’histoire de la Suisse romande et italienne (GDH) et par la Deutschschweizerische Gesellschaft für Geschichtdidaktik (DGGD).

Elle succède au Cartable de Clio, publié depuis 2001. Le changement de nom correspond à un changement de formule : depuis 2015, Didactica Historica se lit dans un grand format illustré et en couleur, avec une édition en ligne prolongeant l’édition papier. La parution est annuelle

Vous trouverez sur le site les contributions de tous les numéros précédents (à l’exception du numéro de l’année en cours) avec les contributions en ligne (suppléments). Le site fournit également des informations sur la manière de soumettre des contributions (feuille de style, délais et processus de publication et de révision) ainsi que sur la politique de commande et de libre accès.

Pour plus d’informations, nous vous renvoyons au site de notre partenaire, la maison d’édition Alphil: www.alphil.ch/

[Periodicidade anual]

ISSN : 2297-7465

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